La Place de Mougins

On l’a connu  au Daniel à Paris, dans ce petit Relais & Châteaux de la rue Frédéric Bastiat, où, pour vingt couverts, dans des salons chics, il servait une cuisine en « sur mesure », avant d’être repéré par les journalistes gourmets du prix Jacquard consacrant le jeune cuisinier en vogue de l’année. Il s’est retrouvé, deux ans durant, flibustier de luxe et adjoint de Yannick Alleno, au Cheval Blanc à Courchevel. Revoilà Denis Fétisson aux commandes d’un gros navire au coeur d’un village de carte postale, à la réputation hautement gourmande, de l’arrière-pays cannois. Ce Marseillais de 32 ans, formé jadis chez Paul Bajade, aux Chênes Verts à Tourtour, qui poursuivit son parcours à Monaco (le Louis XV Alain Ducasse), à Mougins (le Moulin de Mougins), à Courchevel (le Bateau Ivre), joue donc l’éternel retour.

Propulsé à la tête d’un lieu à croquer du cœur de Mougins, par le financier britannique Chris Levett, il aura aussi en charge l’Amandier, qui fut la seconde table de Roger Vergé (elle eut deux étoiles jadis!) et renaîtra sous sa houlette. Pour l’heure, il assure, avec sa mignonne épouse Muriel, le service gourmand sur trois étages de sa maison douce. Les tons beiges sont reposants, la demeure a vue sur une place à la Peynet et une équipe de cuisine s’active à faire plaisir à tous avec des menus provençaux nouvelle vague. Cannelloni de king crabe avec citron indien en corolle, grosses asperges vertes bardées de lard de Colonatta et champignons, mijotée de légumes « spectacla » avec petits gris en tempura de romarin, king crabe des mers du nord à la crème de haricots cocos et oeuf de caille mollet ou encore barbue cuite sur l’arête contisée à la sauge, sans omettre volaille frottée et mijotée au piment d’Espelette ne sont pas mal.

Les défauts de Denis – qui travailla aussi à Copenhague et fut le lieutenant de Nico Ladenis dans son trois étoiles de Grosvenor House sur Hyde Park à Londres? Frôler le chichi, donner dans la petite assiette esthétisante où les produits sont esquissés avec joliesse façon pattes de mouche. C’est joli toujours, savoureux souvent, parfois agaçant. Comme cette clémentine en habit de chocolat avec son parfait glacé à l’impériale qui forme une myriade de minuscules petites choses de couleur orangées et beiges dans une assiette blanche. Mais pourquoi pas? Il y a un public pour ça…

Ajoutons que la bonne affaire ici est le menu à 35 € qui propose, par exemple, fine pizza truffée en pâte feuilletée avec sa roquette, une exquise daurade en écailles de pommes de terre et risettis crémeux (petites pâtes façon riz cuits en risotto exquis), plus les pâtisseries du choisir à choisir au comptoir de la maison. Le cheese-cake onctueux et vanillé n’est pas mal, avec sa pétale de rose cristallisée et malgré sa pâte de fruit rouge un peu mignarde (un coulis de fruit classique aurait été plus précis de goût). Reste que tout ce qui se pratique ici sur un mode léger et frais (g) possède du tonus.