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Connaissez-vous Levet ?

Article du 9 mars 2018

Poète voyageur, précurseur de Larbaud (et de son héros fictif A-O Barnabooth), de Morand (celui des Lampes à Arcs), de Thiry (« Toi qui pâlis au nom de Vancouver« ), de Cendrars (« la Prose du Transsibérien »), Goffin et tant d’autres, Henry Jean-Marie Levet (1874-1906), natif de Montbrison (Loire), décédé à Menton, auteur d’immortelles « Cartes Postales », fut le premier à mettre des noms propres, des lieux étrangers, des vocables étrangers dans la poésie française, à multiplier les anglicismes, à écrire parc avec un k, à mettre à h à la fin de véranda. L’humour n’était pas absent de ses vers joliment assonancés, invitant à l’évasion immobiles. Ainsi:

« Ni les attraits des plus aimables Argentines,
Ni les courses à cheval dans la pampa,
N’ont le pouvoir de distraire de son spleen
Le Consul général de France à La Plata ! »

ou encore :

« Les bureaux ferment à quatre heures à Calcutta ;
Dans le park du palais s’émeut le tennis ground ;
Dans Eden Garden grince la musique épicée des cipayes ;
Les équipages brillants se saluent sur le Red Road… »

Et bien sûr:

« L’Armand-Béhic (des Messageries Maritimes)
File quatorze noeuds sur l’Océan Indien…
Le soleil se couche en des confitures de crimes,
Dans cette mer plate comme avec la main. »

Il devait écrire un vaste roman nommé l’Express de Bénarès. Ce dernier livre – fut-il seulement commencé ?- n’ayant jamais été retrouvé, Frédéric Vitoux part à sa recherche. On sait que ce dernier excelle dans le culte de l’auteur rare, du lieu oublié, de l’anti-héros délaissé. Après le Rendez-Vous des Mariniers, Vitoux part en quête de Levet, comme en quête de lui-même, comme s’il voulait évoquer une part de ses racines, de sa vie. Ce « fils de vieux« , ce résident à vie de l’île Saint-Louis, qui, dans la librairie de sa future épouse Nicole, l’Etrave, découvre les « cartes postales » de Levet, publiées chez Gallimard, avec, en liminaire, la fameuse conversation en limousine de Fargue et Larbaud, qui fit l’admiration de Proust (qui se moquait de Levet), c’est Vitoux tout craché, chercheur de mots, de vies diffuses et minuscules, ce livres en train de se faire. Ce défenseur de la littérature rare, de la poésie complice et buissonnière, se livre ainsi avec fraîcheur et une sincérité vibrante : « Ecrit-on jamais, au fond, pour une autre raison, semblable à un grand enfant qui a peur du noir et du silence ? » Grâce à Vitoux, on relira Levet.

A propos de cet article

Publié le 9 mars 2018 par

Connaissez-vous Levet ?” : 1 avis

  • alain

    vous avez su pour Amat???

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