La chambre des époux d’Eric Reinhardt

Article du 1 septembre 2017

D’abord le titre: une référence à la fameuse peinture de Mantegna dans le Palais Ducal de Mantoue. Ensuite l’objet: un livre piège, court d’apparence, malicieux, triste et gai à la fois, où l’auteur se met en scène, puis son double – ou l’un de ses doubles -, jouant le jeu du miroir et des fresques. C’est à la fois un livre diaboliquement habile, très romantique et celui d’une renaissance. Eric Reinhardt raconte sa réaction d’empathie au cancer du sein qui atteint sa femme, et se révèle en décembre 2006. Il s’engage alors à rédiger son livre « Cendrillon », 600 pages, notamment dédié à l’amour de Margot, en trois mois, au rythme de dix à douze heures par jour, au rythme des soins apportés à son épouse, suivant ainsi sa rémission, sa guérison. Quand le livre sort, il se retrouve à Aix-en-Provence, rencontrant une jeune femme malade, Marie, dont il va s’éprendre. Ce faisant, il narre, en se moquant de lui-même, sa présence aux assises du roman en forme de puzzle où il se ridiculise face au public, enseveli par les larmes. Tristesse, empathie, amour.

On retrouvera les trois termes dans une esquisse de roman (« une seule fleur » comme soliflore) où l’auteur imagine son double Nicolas, musicien et compositeur de génie, aidant une nouvelle femme aimée à Milan, Marie, qui n’a plus que deux mois à vivre, pour qui il quitte, brièvement la femme qu’il aime, Mathilde, soignée elle-même d’un cancer, grâce à une symphonie magnifique, et ses deux enfants, pour laquelle il doit écrire un somptueux Requiem. Sonate, symphonie, requiem, roman piège, fresque en trompe-l’oeil, avec beaucoup de romantisme (ces femmes en « M », comme « aime »), teinté d’autodérision (le créateur contre lui-même), d’interrogation sur le roman: il y a tout cela dans cette « Chambre des Epoux », qui s’affirme comme l’un des romans phares de la rentrée. Eric Reinhardt s’y livre se faisant  une réflexion sur l’écriture, l’inspiration, les doubles, le mouvement de la vie. C’est bouleversant, prenant, troublant, et bref, cependant. Se refermant avec nostalgie, déjà. Voilà une fringante réussite, vive, singulière, démontrant que l’art peut-être le plus sûr des remèdes. Comme une saisissante démonstration.

La chambre des époux d’Eric Reinhardt (Gallimard, 174 pages, 16,50€).

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Publié le 1 septembre 2017 par

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