L’autobiographie fourre-tout de Fabrice Luchini

Article du 27 mars 2016

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Ce livre, c’est le bordel, le foutoir, l’esquisse d’une confession générale du plus grand acteur français qui tente de tout raconter sur 250 pages, mêle le récit embrouillé de sa vie et le commentaire de texte(s) en pagaille. La passion du théâtre,  la foi en Molière, le respect pour Racine, l’amour de Céline, la passion de Rimbaud, la surprise devant Nietzsche, l’émoi de La Fontaine, la tentation de tout réciter, de tout mémoriser, de tout expliquer, de tout comprendre: on trouve tout cela ici. Le Bateau Ivre comme les Plaideurs, les Précieuses Ridicules, comme le Misanthrope (comme on a adoré Luchini dans « Alceste à Bicyclette »!), Muray, Flaubert ou Duras. Luchini raconte (presque) tout de son histoire (quoique pas assez): le petit garçon coiffeur, fils de marchand de primeurs, qui devient l’acteur fétiche de Rohmer, jouant Perceval le Gallois dans la langue absconse de Chrétien de Troyes, barré par le public, tancé par la critique (Bory le voit en « Serge Lama dans la dame aux camélias« ), sauvé, parrainé, adoubé par Roland Barthes, qu’il rencontrera au Collège de France, puis chez lui rue Servandoni. Entre-temps, Robert Luchini devenu Fabrice, empruntant la ligne de bus qui sépare le Nord populaire de Paris, pour gagner son coeur chic, aura été le shampouineur de luxe et le metteur au net du « maillot » de ces dames de la haute, avenue Matignon, figurant dans « Tout peut arriver » de Labro, révélé par « la Discrète », de Christian Vincent (« Tu as a vu cette fille. Elle est im-monde« : souvenez-vous…), poursuivant une carrière chaotique, brillante, certes, quoique marquée d’éclipses.

Luchini raconte, tente de s’épancher, livre des pages drôles, hénaurmes, des moments sublimes, même s’il finit par nous barber en commentant Céline, nous bassine avec La Fontaine, tire à la page en récitant Muray. Bref, il y a là tout et rien, tout ce qu’on sait de Luchini, qu’on suit depuis des années sur nos écrans télé et à la radio, qui fait admirablement son numéro. Mais il aurait suffi qu’il y eut encore un éditeur digne de ce nom chez Flammarion, qui aurait pu suggérer des coupes ici, des rajouts là, du cisaillage là encore, et surtout de demander à l’auteur, qui veille diaboliquement en notre acteur fétiche et mirbolant, de s’auto-accoucher avec grâce. Reste que tel quel, et pour 19 €, on a tout de même du Luchini tout frais, tout cru, bien dru et quelques jolis morceaux de bravoure… Ce n’est pas si mal !

Ps: même le double titre (qui référence au théâtre national où Luchini ne fut jamais accepté et à la première phrase du « Voyage » de Céline) n’est pas bon, c’est dire… Demandez donc à votre libraire: avez vous « Comédie française, ça a débuté comme ça…? » pour voir !

Comédie française – ça a débuté comme ça…, de Fabrice Luchini (Flammarion, 250 p, 19 €).

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Publié le 27 mars 2016 par

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