Le Quatrième Mur

Philippe Etchebest © GP

Il fait le mur, crève le plafond (et l’écran), provoque les queues (de folie) sur la place de la Comédie à Bordeaux. Un événement? Un bouleversement. Le succès, sans réel précédent, de Philippe Etchebest à Bordeaux balaye tout. Il ne s’explique pas seulement par la télé (son concurrent direct de M6, Cyril Lignac, a 100 000 fans de moins que lui sur Facebook – P.E. en est à plus 460 000,  à l’heure où l’on rédige). Il y a, à la fois, chez lui le côté bon nounours, grande gueule, forte tête, mais aussi pédago et MOF. Si Etchebest est une bête de scène, il est aussi une professeur de bonnes manières, un maître es cuisine, un docteur ès bon principe, qui en impose avec charisme.

Oeuf parfait et parmesan © GP

Huîtres et chou fleur © GP

Etchebest ? C’est la rigueur incarnée, l’énergie la volonté. On le suit depuis belle lurette et on le connaît depuis l’époque du Clos Longchamp au Méridien Maillot, aux côtés de Jean-Marie Meulien, alors qu’il remportait – c’était en 1989! – le prix « Minervois Jeune Cuisine ». On l’a suivi d’abord au château Grand Barrail à Saint-Emilion, puis à l’Oison au Château des Reynats à Périgueux, enfin à Plaisance, de retour à Saint-Emilion. Et l’on sait qu’il ne lâche rien. C’est d’ailleurs le titre de son autobiographie parue il y a peu chez Lafon. Mais on sait moins qu’il surveille tout, se donne à fond, se méfie de la foule, envisage les réservations pour le mois prochain – il fera bientôt froid et l’attention ne se relâche pas, ni la curiosité d’un public avide de découverte et de gourmande. Il pense déjà à une future table étoilée, toujours à Bordeaux, tandis qu’il livre ici la quintessence de son art, sous une forme rapide et simple. Avec un service jeune, vif, précis, motivé.

Cabillaud et noodles au curry © GP

Marmite de paleron et huitres © GP

Car il s’agit d’abord ici de faire vite et bon. En une heure et quart – montre en main, car il faut bien laisser place aux suivants, et il y a deux services, on peut goûter les plats rodés, peaufinés, ciselés – « chiadés », dirait-on, si l’on n’avait pas peur de faire vulgaire -, du moment. Œuf de poule « parfait » avec son condiment de poisson volant (dit « tobiko wasabi »), crumble et mousse de parmesan, plus jambon frit ou bien jolies et fraîches huîtres spéciales Gillardeau avec chou fleur, noisettes et gelée de pomme verte plus vinaigrette aux agrumes en guise de belles entrées vives, sapides, acides, rieuses.

Lingot au chocolat © GP

Ananas, spoom coco © GP

Ensuite? On se fait fête avec le splendide cabillaud mariné au soja, cuit vapeur, servi avec de fines pâtes chinoises transparentes dites « noodles », avec ail et gingembre, plus mangue et gelée de coco, avec un jus de poisson comme un curry (une petite merveille de finesse exotique, de finesse, de légèreté) ou encore la cocotte de paleron de bœuf braisé aux oignons, carottes, champignons pourvu d’une belle sauce vigneronne aux huîtres.

Philippe Etchebest en salle © GP

On n’oublie pas les fins desserts, tels que le lingot chocolat avec sa ganache onctueuse jivara-caraïbe, crème légère mascarpone citron vert ou l’ananas poêlé au poivre de la Jamaïque, spoom et croustillant coco. Ni les bordeaux de Graves et Pessac-Leognan, proposés au verre, comme le soyeux Méjean 2010 et l’élégant Rochemorin vanillé, avec ses fines notes de bois neuf, 2008. Le café servi avec un  mini-financier est parfait. Bref, si le succès est éclatant, il est mérité.

La queue à 11h45 © GP