FOG par Marion Van Renterghem: portrait d’un grand fauve

Article du 15 octobre 2015

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« Un chat aux sept vies. Une hydre polycéphale. Un ogre. Un végétarien panthéiste et mystique. Un pirate à l’abordage, une midinette sentimentale, un voyou combinard et déloyal, un moraliste transgressif, un cynique au coeur tendre, un pervers sans foi ni loi, un touche-à-tout méditatif. Un saint-François, une sainte Thérèse, un gangster déguisé en mère-grand, un Don Juan, un boa, un chien, un congre, un cochon. Un jour, un mécréant, un croyant« . Voilà quelques unes des métaphores, des épithètes, des qualificatifs doubles, simples, voire triples dont l’affuble sa biographe au terme de son enquête en concluant sur le « pirate mystique » pour définir ce drôle d’animal qu’est FOG, alias Franz-Olivier Giesbert.

Grand reporter au Monde, poursuivant dans une veine inaugurée par sa consoeur Raphaelle Bacqué avec des morts (Richard Descoings alias Ritchie, François de Grossouvre ou Le Dernier Mort de Mitterrand), Marion Van Renterghem s’attaque à un vivant. Et quel vivant! Symbolisant une certaine dérive médiatique de la connivence, du trouble entre éthique et rigueur, faisant de l’art de vendre un bel art tout court, choquant les uns, brusquant les autres, mettant tour à tour dans sa poche Jean Daniel, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin et tant d’autres. Les broyant après les avoir aimé ou séduit. Jouant, avec Robert Hersant, le rôle du fils non dit, cherchant aussi ses pères en littérature de Green à Giono, sans oublier Céline. Prenant les journaux à l’abordage. Massacrant un Copé sur un plateau de télé. En venant aux mains avec un BHL. Résistant aux menaces d’éviction de tel président furieux de ses diatribes, faisant élire Hollande, s’en moquant mais à peine. Jouant avec les uns, copinant avec tous, changeant de femmes au rythme de ses journaux. Pour l’avoir bien avoir connu (mais « bien » est-il le mot pour un personnage forcément insaisissable), je dois dire que je préfère une autre métaphore animale que ce cochon en lequel prétend s’incarner ce grand séducteur: un cerf, lui irait mieux au teint. Un grand prédateur, faisant usage de son charme avec un art consommé et redoutable, jouant de ses cornes, de ses bois, de son ramage.

L’essentiel? Marion Van Renterghem suit pas à pas son héros dans son parcours, ses passions, ses errances, ne négligeant aucun détour de son enfance, insistant sur un détail (la couleur de son costume au mariage de sa soeur, puis au sien…), les relations plus que douloureuses avec son père, la volonté de venger sa mère, qui inspira la « Judith Therpauve » de Chéreau, incarnée par Signoret, contre le Papivore/Hersant. Brisant les lignes, sans cesse jouant la transgression provocatrice. Passant du Nouvel Obs au Figaro puis au Point. Séduisant ses camarades, bousculant les uns et les autres, les boostant avec art (« je ferai de toi une star » me dit-il en débarquant au Point en 2000, m’accordant son premier déjeuner), développant un style qui n’est qu’à lui, inaugurant une nouvelle ère. Ce « social démocrate libéral », comme le nomme assez justement sa biographe, qui n’a ni limites, ni oeillères, se reconnaîtra sûrement dans ce portrait mosaïque dressé avec panache, sûreté et un étrange mélange de froideur et de passion. Soyons sûr qu’elle aussi – Marion Van R. – aura été conquise par son modèle qui se permet tout. Car il a la beauté – et pas seulement – du diable.

FOG – Don Juan du pouvoir, de Marion Van Renterghem (Flammarion, 266 pages, 18 €).

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Publié le 15 octobre 2015 par

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