Vous connaissez Jean-Louis Fournier, cet auteur atypique qui a le génie des titres, écrit des livres drôles, touchants, poignants, toujours un peu distanciés, avec sa propre vie. « Il a jamais tué personne, mon papa » (1999), c’est l’hommage rendu à son père médecin et alcoolique, « Où on va papa ? » (2008, couronné par le Fémina), le récit de ses rapports avec ses deux fils handicapés mentaux, « Veuf » (2011), celui de son veuvage, « La Servante du Seigneur » (2013), l’ouvrage dédié à sa fille entrée dans les ordres. On résume, bien sûr, grossièrement des oeuvres foisonnantes, personnelles, riches, transformant le quotidien grisailleux en picaresque coloré, suscitant parfois la polémique. Et l’on y songe forcément aujourd’hui avec son nouveau livre dédié à sa mère, enseignante effacée, qui s’est sacrifiée pour ses enfants, a supporté, sans broncher, un mari partant soigner ses malades d’un pied ferme et revenant chez lui le soir imbibé au Byrrh. Une existence faite de bout de riens – on songe à la chanson de Jean Ferrat, illustrant le film de René Alliot, « on ne voit pas le temps passer« – , mais que Jean-Louis Fournier, habile à composer les pièces de sa vie comme une riche mosaïque en teintes douces. Sa mère habite Arras, est native du Pas de Calais, d’où le jeu de mot agile du titre. Il y a le témoignage de ses petits enfants, les épisodes de cette vie en zig-zag, les rapports douloureux de son couple titubant, le renvoi du petit Jean-Louis de l’Institution Saint-Joseph, la mort du père, après un essai ultime de lui voir se refaire une santé dans les Vosges, l’apprentissage de la vie en solitaire de la mer qui, pour lutter contre la vieillesse, s’habille de couleur vive. On n’en dit pas plus. Il faut lire ce bel hommage qui conviendrait, on s’en doute, à toutes les mères. Un livre doux, un livre rare, en bleu opale, comme les tons doucereux de la mer du Nord.

Ma mère du Nord, de Jean-Louis Fournier (Stock, 180 pages, 17,50 €, sortie le 30 septembre).