La madeleine d’Enthoven

Article du 28 mars 2024

On ne savait pas Jean-Paul Enthoven obsédé par Moby Dick et sa baleine blanche. Mais lorsque le petit JPE se penche sur son passé, à Mascara  c’est la haute figure de son père qui se dessine et ressurgit. Et, avec lui, ce cinéma « Vox » qu’il fit sortir de terre dans sa petite ville de province algérienne, alors que grondent guerre civile et prémices de l’indépendance. Et lorsqu’il décide de lancer son cinéma, c’est l’adaptation du roman de Melville qui s’impose pour être projeté en ouverture. Coïncidence : papa Enthoven est le quasi sosie de Grégory Peck qui interprète le rôle du capitaine Achab. Le vrai Grégory Peck, Jean-Paul devenu grand, façon beau ténébreux lettré, le rencontrera à l’hôtel de ville de Paris alors que le maire de l’époque Jacques Chirac, lui remet une médaille. Il voudrait alors l’embrasser en souvenir de son père Edmond dit le hollandais, haut en couleurs, défiant les uns mais prônant l’amour des autres. L’Algérie d’Enthoven ressemble à celle de Camus : elle est solaire, forte, divisée, passionnante, passionnée. On comprend que l’on se battra pour elle. Sa madeleine melvillienne donne à ce spécialiste de Proust (on se souvient de son « Dictionnaire Amoureux » rédigé avec son fils Raphaël) l’occasion de faire défiler avec lenteur et précision l’écheveau des souvenirs. Il raconte, s’interrompt, s’auto-questionne, à la manière de feu son ami Jean d’Ormesson. Et ce faisant, avec son écriture élégante  et corsetée, il nous donne l’un de ses textes les plus émouvants et les plus personnels.

Si le Soleil s’en souvient, de Jean-Paul Enthoven (Grasset, 204 pages, 19 €).

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Publié le 28 mars 2024 par
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