« Je suis un lorrain en exil à Paris » sur Mylorraine.fr le 15 septembre 2011

Article du 16 septembre 2011

Il est l’un des critiques gastronomiques les plus réputés de France. Gilles Pudlowski, certifiant d’une naissance messine, sera présent au « Livre sur la Place », ce vendredi à Nancy où il dédicacera son nouveau livre « A quoi sert vraiment un critique gastronomique ? ». Mylorraine.fr ne pouvait passer à côté de cette exquise plume sans recevoir sa caresse. Interview !

Mylorraine : Puisque c’est le titre de votre livre, « à quoi sert vraiment un critique gastronomique » ?
Gilles Pudlowski : Tout le monde s’imagine qu’un critique gastronomique est un rigolo, quelqu’un qui passe son temps à boire, à se taper sur la cuisse, à manger alors que pas du tout, c’est un travail d’écriture, d’abnégation et de distance avec le sujet.

ML : Qu’est-ce qu’un bon critique gastronomique ?
G.P. : Il faut d’abord être gourmand, avoir de la mémoire, être curieux et écrire correctement. C’est quelqu’un qui est là pour être l’ordonnateur du plaisir d’autrui, pour défendre le consommateur, avec l’art de raconter, de faire saliver, de magnifier la saveur d’un mets, d’un mot, d’une belle assiette, de provoquer une émotion chez le lecteur. Le critique sera celui qui fera de votre repas d’un soir un moment essentiel de votre vie.

ML : Pensez-vous que ce métier soit compris ?
G.P. : En fait les gens confondent gastronomie et cuisine, l’art d’en parler le mieux possible, de retransmettre des émotions, ce que Petitrenaud fait très bien à la radio. Je plaide pour un métier qui est mal compris souvent.

ML : Paradoxalement le critique gastronomique a de multiples raisons de se réjouir, les gens n’ont jamais été aussi proches du goût ?
G.P. : C’est vrai, aujourd’hui à force de s’être battu pour le bon produit et là, il faut rendre hommage à des personnes comme Jean-Pierre Coffe et Jean-Luc Petitrenaud, on trouve partout de bons chefs, des fermes bios, des marchés du terroir… On nous avait annoncé quand l’an 2000 on mangerait des pastilles en guise de nourriture, en 2011,  c’est tout le contraire ce qui rend donc le métier plus facile et plus agréable.

ML : A quand remontent les premières critiques gastronomiques ?
G.P. : Depuis le 18e  siècle, c’est Grimaud de la Reynière qui est notre maître à tous, c’est lui qui imagine de faire un guide de Paris qui serait un guide des plaisirs culinaires, en fait, on a rien inventé de puis Grimaud, nous sommes tous des fils de Grimaud. Toutefois, sa gloire a été éclipsée par Brillat-Savarin qui n’a écrit qu’un seul beau livre qui s’appelle La physiologie du goût avec quelques belles phrases comme : « La découverte d’un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d’une étoile ». Voilà, ça, c’est une phrase qui reste parce que la gastronomie, c’est l’art de manger la bouche pleine.

ML : Que pensez-vous des émissions culinaires diffusées sur TF1 et M6 ?
G.P. : C’est une espèce de course à l’audimat, en ce moment on se sert de la cuisine pour faire de l’audimat, je trouve ça très bien parce que ça fait parler du métier. Chroniqueur, gastronome, cuisinier, artisan du produit, c’est très bien ! Cet engouement pour la cuisine existe en France depuis plus d’un siècle, simplement il est concrétisé par cette téléréalité de la cuisine, autrefois c’était Loftstory aujourd’hui c’est Gourmetstory.

ML : C’est la fin de la route. Vous avez une dernière table à faire. Seul ou accompagné, laquelle choisiriez-vous dans le grand Est français ?
G.P. : L’auberge de l’Ill à Illhaeusern, celle qui exprime le mieux son terroir, la notion d’accueil, de gourmandise, de qualité, c’est un peu l’archétype de la grande auberge. Sinon en  table plus simple, plus bon marché, dirons-nous… Aux Trois Capitaines à Malroy où il y a la cuisine lorraine telle qu’on la rêve, avec des œufs cassés, des pommes sautées, le pâté de tête, le soufflet aux mirabelles… il y a Tanesy à Nancy également qui cuisine les abats merveilleusement. Dans tous les cas, c’est difficile de n’en garder qu’une, il y en a tellement de bonnes.

ML : Vous avez fait un dictionnaire amoureux de l’Alsace, un de Lorraine serait envisageable ?
G.P. : Ça m’aurait paru une bonne idée, une fois que j’avais terminé celui de l’Alsace, je m’attendais à ce qu’on me demande légitimement de faire celui de la Lorraine. Mais l’Alsace comme la Lorraine, malheureusement sont des régions mal considérées à  Paris. On n’a pas la mer, nous sommes vus comme des gens sérieux plutôt que des rigolos, quand ils viennent dans l’Est, ils donnent l’impression d’arriver en Sibérie, c’est un phénomène qui existe contre lequel on a du mal à lutter.

ML : Vos premiers restaurants quand vous étiez encore gamin ?
G.P. : Quand j’étais petit mon père m’amenait au Globe à Metz, au Capucin Gourmand à Nancy.

ML : Vous vivez à Paris mais vous sentez-vous encore lorrain ?
G.P. : Je suis né à Metz et ma seconde résidence est dans l’Est, à équidistance de Sarreguemines et de Strasbourg, en Alsace mais du côté Vosges. Mais oui, je me sens lorrain, je suis un lorrain en exil à Paris, j’en ai le caractère, je suis buté comme un lorrain, je suis comme la mirabelle, j’ai besoin de pluie pour grandir, je résiste aux invasions, aux destructions, je suis né lorrain et je mourrai lorrain.

Propos recueillis par Mathieu Bonis

Dites-nous Gilles Pudlowski : « À quoi sert vraiment un critique gastronomique ? », Armand Colin, 12,90 euros.

Article du 15 septembre 2011 disponible sur le site de mylorraine.fr

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Publié le 16 septembre 2011 par

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