Canard de Challans © Maurice Rougemont

Est-ce un canard ou un mythe? C’est d’abord une légende à tiroirs. Il y a celle, qui court dans la région, des marins hollandais prisonniers des marais du Bas-Poitou – c’était le nom, à l’époque de la Vendée – , à qui le roi des Pays-Bas aurait offert des canards pour grignoter les moustiques dont les dits-marais étaient infestés. Il y a aussi celle, que conte les Burgaud, selon laquelle des émigrés espagnols, échoués près des côtes vendéennes, auraient capturé des canards sauvages et les auraient acclimatés, les croisant avec des canards « francs », améliorant leur race au fil des âges.

Le label « canard de Challans » recouvre, de fait, des canards de Barbarie, bagués au numéro de la semaine de mise en élevage avant quatre semaines, élevés en sexe séparés dans des vastes bâtiments sur épaisse litière, sortis en plein air, chaque jour que Dieu fait, sur de francs espaces extérieurs (2,5m2 pour une femelle, 4 m2 pour un mâle), alimentés au minimum à 75% à base de céréales, abattus à 77 jours minimum pour les femelles (dites « canettes ») et 84 jours pour les mâles.

Les Burgaud, qui sont l’une des stars du secteur, ne revendiquent pas l’appellation que contrôle l’excellent syndicat local, les Eleveurs de Challans. Il se contente de son canard à lui, plus gras, élevé avec autant de soin, mais tué un peu plus tard (à huit ou neuf semaines), étouffé et non saigné, gardant ainsi tout son sang, qu’il expédie un peu partout aux professionnels et dont la Tour d’Argent à Paris s’est fait une spécialité. Ce canard à chair rouge, nommé « challandais » (et qu’on nomme parfois « canard nantais », en se référant à son lieu d’expédition de jadis) ressemble à celui que l’on trouvait un peu partout dans la région il y a trente ans.

« Mais si une ménagère cuisinait ce canard-là, simplement dans son four, elle le trouverait trop gras », assure Mme Burgaud qui précise que son « challandais », dont raffole les professionnels – notamment la Tour d’Argent qui n’utilise que celui-ci depuis trente ans, pour son fameux canard au sang – , n’est pas fait pour tout le monde. D’où ce « barbarie », à plume noire, chair fine et « bronzée », que l’on trouve désormais sous l’appellation « label rouge » de canard de Challans. S’il est plus moderne, il reste un trésor.  Son goût? Il provient non seulement de cette terre acide, de cette belle herbe, de ces prés au goût de vent marin, mais surtout de ce temps doucereux qui permet au canard d’ici d’être dehors toute l’annÇe et de gambader en liberté.

A deux pas de Challans, gros bourg commerçant que domine une haute église et son clocher séparé, 170 éleveurs se regroupent au sein des Eleveurs de Challans (avec 12 négociants) et qui se répartissent sur une aire d’appellation de 80 km. La mer est proche, le vent vif. Mais les larges bâtiments qui abritent les volatiles sur sol paillé sont construits au soleil levant, contre le vent. A 9 heures, dans le matin brumeux, on tire les trappes qui permettent au canard de s’échapper dans les prés, et de gambader à l’air libre. La terre est grasse, l’herbe humide. Dirait-on que les canards d’ici sont des volailles heureuses?

Un paysan de Vendée au marché de Challans, avec un lapin © Maurice Rougemont

Les bonnes adresses du canard de Challans:

Les Eleveurs de Challans, allée de la Jariette, BP 285, 85305 Challans-Cédex. Tél: 02 51 93 02 54. Contrôle le label, regroupe les éleveurs, les aide à la commercialisation, aide à sa diffusion.

SARL Gérard Burgaud, 89 rte de Saint-Jean-de-Monts, BP 191, 85305 Challans-Cédex. Tél: 02 51 68 23 68/02 51 68 05 53. Fournit les canards aux professionnels, notamment ceux de la Tour d’Argent.

SA Léon Dupont, 2315, rte Garateries, BP 59, 85270 Notre-Dame-de-Riez. Tél: 02 51 55 12 11.