Caméléon d'Arabian

Jean-Paul Arabian

Il est l’aubergiste le plus obstiné de Paris, fut un maître d’hôtel de classe au Restaurant à Lille, puis chez Ledoyen à Paris, avec la grande Ghislaine, devenue depuis une star télé, avant de se mettre à son compte chez Pierre au Palais Royal. Depuis trois ans, il a fait du Caméléon le bistrot le plus gourmand et le plus mondain de la capitale. Pourtant, rien ne va. La cuisine a beau être souvent exceptionnelle pour le lieu et le prix (un menu du déjeuner à 26 €, une formule le soir à 46 €), avec des mets ménagers (poireaux vinaigrette, gaspacho andalou, artichauts barigoule, tronçon de colin meunière) et d’autres de grande tradition classique revus et allégés (tarte fine de légumes crus et cuits au basilic, queues de langoustines rôties au beurre de cerfeuil, foie de veau impérial, quenelle de brochet – presque – comme à la Tour), il se plaint d’être esseulé. Son parterre de people le regrette déjà. Michel Bernardaud de la porcelaine du même nom, Roland Dumas, Michou, Jean-Marie Colombani ou Francis Staub chantent ses louanges. Peu lui chaut. Jean-Paul n’est pas content. Il râle, s’emporte, s’excite. Ce samedi midi, il n’y avait pas grand monde. Je l’ai vu virer, il est vrai, une table de fans venus de loin à 14h15. Venez en masse lui redonner sa joie de vivre. Ses vins de soir (hautes côtes nuits de Guyon, morgon de Lapierre, Bellefleur en Pomerol) valent de l’or. Et le lieu, avec velours rouge, stucs, écran plat, comptoir, a du « peps ». Bref, venez dire à cette grande gueule impossible qu’on l’aime tel qu’il est et qu’il ne déserte pas son joli coin de Montparnasse.