L'Inattendu au Domaine de Locguénolé

Annabelle, Pauline, Yann, Marie © GP

Une nouvelle ère vient de sonner au château de Locguénolé de Kervignac près d’Hennebont. Dans ce qui fut jadis fut l’un des premiers deux étoiles breton dans un Relais & Châteaux, avec Michel Gaudin, conseillé ici par Michel Guérard, puis Denis le Cadre, où l’on connut au moins Philippe Peudenier, Jean-Bernard Pautrat, Olivier Beurné, Florian Boire, sous la houlette alors de la famille de la Sablière, la gourmandise est une chose traitée avec infiniment de sérieux. On en oublie sans doute quelques uns au passage. Voilà venue l’époque de Yann Maget.

Canapés © GP

Ce fort en thème, MOF 2023, qui a cumulé les expériences dans les belles maisons trois étoiles (le Meurice avec Yannick Alléno, Pierre Gagnaire au Balzac, Kei Kobayashi chez Kei, sans oublier Quince à San Francisco et, enfin, le Bristol aux côtés d’Eric Frechon) signe la carte des deux restaurants de cette institution rénovée (c’est désormais le Domaine de Locguénolé et la maison est toujours affiliée aux Relais & Châteaux). Il y a le bistrot chic la Maison Alyette en rez-de-jardin, là où se trouvait l’ancienne table gastronomique, et puis, ouverte le soir seulement, l’Inattendu, qui joue la Bretagne haut de gamme version terre/mer dans un pavillon sous verrière avec ses plantes face au Blavet, qui évoque l’ancienne compagnie des Indes.

Gratinée à l’oignon © GP

Son équipe est solide. La directrice de salle est son épouse Pauline Sébilleau, pure bretonne de Pont Aven dont les parents possédèrent jadis le Moulin de Rosmadec et qui a travaillé en salle chez Pierre Gagnaire, au Cinq du George V, au Quince de San Francisco et comme maître d’hôtel chez Taillevent, plus la pâtissière Annabelle Lévêque, morbihannaise revenue au pays qui a travaillé notamment au Castel Brac à Dinard, au Grand Jersey Hôtel à Saint-Hélier et au Castel Clara à Belle Ile, enfin la malicieuse et savante sommelière Marie Choucha, native de la Mayenne, qui a cumulé les expériences dans les grandes maisons et est incollable sur les appellations du grand Ouest et même d’ailleurs.

Tourteau © GP

Un menu ici ? Forcément une fête, avec les divins canapés (barbajuan de blettes et ricotta, poudre d’agrumes, maquereau à la flamme et crème à l’oseille, tartelette sarrasin, topinambour et café, palourdes, gelée de granny smith et concombre), l’exquise mise en bouche sur le thème de la gratinée à l’oignon, avant la tartelette de tourteau, mayonnaise tiède au Kari Gosse, tagète, pomelo thaï et limequat .

Céleri et crumble noisettes © GP

On boit en liminaire le champagne Pierre Trichet blancs de noirs, puis le touraine « Le Courlis » Clos du Porteau,  2022 d’Hermine de Clermont-Tonnerre, tout en fraîcheur, et on aborde au magnifique couplet végétal du céleri fumé au foin avec crème de céleri, coulis de persil et praliné et crumble de noisettes, sur lequel le muscadet « Gorges » de Damien Rineau en 1996 joue l’accord parfait.

Boudin noir et seiche © GP

L’un des morceaux de bravoure du repas ? Le boudin noir marié à la seiche, avec pomme et shiso, sauce encre de seiche et pommes qui livre un couplet rustico/raffiné plein de tonus. On boit là dessus le charmeur saumur « Jurassique » Le Pas Saint Martin en 2021 et on embraye sur le royal homard rôti, carottes au gingembre et curry, avec tortellini de homard, bouillon au galanga, qu’un sarthois coteaux du Loir « Les Prémices » du domaine de Bellivière 2022 escorte avec élégance.

Homard rôti, carottes au gingembre et curry © GP

L’instant carnassier ? Celui d’un tendre et juteux pigeon rôti avec chou de Lorient, gnocchi poêlé, jus de pigeon au whisky, sur lequel on découvre le rouge grolleau « Glaz » du domaine Les Longues Vignes 2022 en Ille et Vilaine, mais qu’un grand rouge (syrah, grenache, cinsault, cabernet sauvignon) « Les Creisses » en Hérault  au domaine de Creisses 2021 peut également accompagner à merveille.

Pigeon rôti, chou de Lorient, gnocchi, jus au whisky © GP

Le choix de fromages, affinés chez Kérouzine à Lorient, impressionne. Mais l’instant des desserts d’Annabelle Lévêque arrive. Ananas, tagette et baie des Bataks, en fringant pré-dessert, pamplemousse, meringue, jus de pamplemousse et vanille Tahiti, escorté du sylvaner « Originel » de Véronique et Thomas Muré à Rouffach en 2022, et encore chocolat Tulakalum, avec praliné de café, grué de cacao, glace au café sur lequel un rivesaltes ambré du domaine du Mas Delmas fait merveille.

Choix de fromages © GP

Il y a encore les mignardises (tartelette sarrasin caramel, guimauve anisée, truffe chocolat et fève de Tonka) qui toutes enchantent. Et l’on se dit qu’on a fait là un dîner vif, frais, léger, subtil, très breton nouvelle vague, créatif, certes, mais sans folie. On attend vite le retour des étoiles !

Chocolat Tulakalum, praliné de café, grué de cacao © GP