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Le Vieux Pont

« Belcastel : au bonheur des soeurs »

Article du 22 juin 2018

Michèle et Nicole Fagegaltier © GP

Il y a le village qui s’agrippe au roc, les « calades » (c’est ainsi qu’on nomme les chemins pavés en Aveyron) escarpées, le château avec ses cinq tours rondes, qui fut rénové par l’architecte Fernand Pouillon, le pont coudé qui enjambe la rivière avec ses cinq arches, l’église et son gisant en armures, la douceur de l’air, la proximité de Rodez, la verdure à l’entour.

Le vieux pont © GP

Voici le cœur de la douceur française. Nicole et Michèle Fagegaltier, deux sœurs qui ont conservé l’accent du pays, ont repris l’auberge familiale. Depuis quatre générations, les Fagegaltier sont aux fourneaux et à l’accueil, et une femme mitonne la cuisine. Elles n’ont pas failli à la règle. Michèle avait suivi des études de droit, Nicole l’école hôtelière à Toulouse et Rodez. Elles ont repris la demeure où leur grand-mère, puis leur mère faisaient « une cuisine rustique de la campagne« , comme elles le disent si joliment, usant du pléonasme avec délectation.

Nicole lit « Elles sont chefs » © GP

« Nous vivions en autarcie« , précise Nicole, la cuisinière. « Mon père, comme l’avait fait mon grand-père, dirigeait la ferme familiale qui couvrait 12 ha. Il élevait quelques cochons, des veaux et des volailles, cultivait le jardin et les céréales qui nourrissaient les bêtes. Tout ce qui était issu de la ferme alimentait l’auberge tenue par ma mère et ma grand-mère. C’était une « ferme-auberge » avant la lettre ! On venait pour la friture de goujons de la rivière, le poulet sauté aux oignons, le chevreau à l’oseille, la pascade ou le chou farci. » Et puis un jour Nicole s’y est mis, elle aussi. Elle a repris la tradition et les choses ont commencé à changer.

Autour du poireau © GP

En 1983, au retour de l’école hôtelière, elle reprend l’affaire de ses parents. Elle sera rejointe plus tard par Michèle, son aînée, qui travaille alors pour une société mutualiste et qui va se passionner pour le vin. L’étoile arrive bien vite et, avec elle, de nombreux clients venus de tous les coins de France. Elles construisent un petit hôtel au charme contemporain, avec seulement sept chambres, de l’autre côté du pont, auquel plus tard s’additionnera un gîte. La rivière de l’Aveyron sépare les deux parties du domaine comme un symbole ou un trait d’union. La cuisine se modernise et s’agrandit. Michèle rencontre, puis épouse Bruno Rouquier, qui a travaillé, de 1978 à 1982, chez le célèbre voisin Michel Bras de Laguiole. Ils vont « fusionner » en cuisine.

Autour des petits pois © GP

Leur style d’aujourd’hui est moderne et ancien à la fois, il fait constamment référence au terroir et use des beaux produits d’ici : l’agneau de l’Aveyron, le bœuf fermier d’Aubrac ou le veau du Segala. Mais grâce au marché de Rodez, auquel on se rend deux fois par semaine, les poissons de Bretagne ou les épices d’ailleurs ont également droit de cité dans la salle à manger, qui contient 35 couverts, pas plus, et a été modernisée avec clarté et sobriété.

Cabillaud et jus de chorizo © GP

L’idée d’un repas de fête à Belcastel ? Des choses fines, exquises, soyeuses, vinaigrées, légères. Comme la déclinaison autour du poireau et de l’asperge, puis la variation sur les petits pois à l’estragon, avec ses tagliatelle de seiche poêlées, sa vinaigrette aux fraises. Et encore le filet de cabillaud poêlé relevé de son jus de poisson lié au beurre de chorizo, avec son pesto à l’ail des ours et riz noir. Et puis le ris d’agneau de la maison Greffeuille, avec radis, salades citronnées, orange et romarin. Avant le rituel gigot agneau Allaiton avec son beurre à la fleur de thym, pulpe de céleri rave au coulis de dattes et citro.

Ris d’agneau et radis © GP

On sacrifiera un moment aux aux fromages du Rouergue, brebis, vache, chèvre, pâtes persillées. Puis ce sera le joli dessert comme la barre chocolatée avec sa crème glacée au chocolat cardamome, sa touche d’agrumes. On n’oubliera pas de faire un sort aux délicats petits fours (caramels aux fruits secs splendides, cornets à l’orange fourrés de crème d’amande, chocolat au thé), imaginés par une jeune pâtissière aux doigts de fée. Ni aux vins d’ici et de guère loin (frais château de Lancyre, côteaux du Languedoc en version blanc, au pied du Pic Saint Loup,  ou encore somptueux languedoc rouge du domaine Calage Resseguier, en syrah/grenache) qui font les escortes de charme de ces agapes festives.

Agneau et beurre à la fleur de thym © GP

Ce sera vif, frais et souvent complexe. Les « fermiers aubergistes » des bords de l’Aveyron ont donné naissance à une cuisinière savante qui raffole de la création. Bref, on passera un bien joli moment à table, sans omettre d’accomplir la promenade digestive qui grimpe vers le château.

Barre au chocolat © GP

Michèle veillera sur le jeune service enthousiaste de son doux regard. Nicole partagera avec Bruno quelques idées à venir pour les prochaines saisons – ils ont un hôtel moderne et et quasi champêtre dans un quartier neuf de Rodez. A Belcastel, en Aveyron, il y a encore des fées. Mais elles sont cuisinières, hôtesses de charme, gourmandes délicieuses, bref, donneuses d’émotion et de plaisir.

Le Vieux Pont

Le Bourg
12390 Belcastel
Tél. 05 65 64 52 29
Menus : 33 (sem.), 57, 92 €
Fermeture hebdo. : Lundi, mardi, dimanche soir
Site: www.restaurant-belcastel.com

A propos de cet article

Publié le 22 juin 2018 par

Le Vieux Pont” : 1 avis

  • Enfin un article consacré au Vieux-Pont des sœurs Fagegaltier, qui officient avec brio et talent, Nicole en cuisine, et Michèle en salle. Mais il ne faut pas oublier Bruno Rouquier, le mari de Nicole, et Gilles Héliez, le discret, mais oh combien compétent sommelier de ces lieux de haute gourmandise. L’étoile que lui accorde le Michelin est amplement méritée et deux ne seraient nullement déplacées.

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Le Vieux Pont