Schlossberg à l'hôtel Sackmann
« Baiersbronn-Schwarzenberg: la gloire des Sackmann »
Il est le modeste de Baiersbronn, cette commune gastronomique qui cumule les hôtels de luxe et les étoiles. Mais à côté des glorieux Bareiss et Traube Tonbach, qui contiennent tous deux un restaurant trois étoiles, Jörg Sackmann en détient deux, depuis l’an passé, au restaurant Schlossberg, caché avec disrétion sous sa façade en crépi barré de noir, de tradition. Sa soeur accueille avec gentillesse, tandis que son fiston Daniel la relaie à la réception et au service. La maison fait un joli dédale depuis la terrasse jusqu’aux diverses salles intérieures et les salons.
Bien sûr, l’hôtel familial modernisé, coincé entre la route et la rivière de la Murg, avec les rochers et la forêt comme voisins, c’est aussi un spa ultra moderne dédié aux soins par les herbes, plus un restaurant de pensionnaires soigné, ainsi qu’une table régionale et rustique chic (Anita Stube), dédiée aux plats d’ici. Mais ce qui motive ici le voyage gourmet depuis la France, c’est bien sûr ce Schlossberg deux fois étoilé.
La salle, un brin kitsch, avec ses recoins confortables, dans les tons jaunes, a du charme, le service de la prestance, le maître d’hôtel-sommelier est à son affaire pour vous proposer les jolis vins du moment et de la région (le pinot blanc d’Alexander Laible à Durbach, le surprenant pinot noir 2003 de Bernhard Huber à Malterdingen, propre à rivaliser avec un grand côtes de Nuits), histoire d’accompagner une cuisine fine, subtile, créative, frisant parfois le gadget, mais sachant retomber sur ses pieds.
Jörg, qui a appris jadis le métier chez Eckart Witzgman à Munich, Maître à Berlin avec Henry Lévy, qui eut jadis ses deux étoioles, avant la chute du mur, le Brenner Park à Baden Baden, sans oublier le grand voisin Harald Wohlfhart à Traube-Tonbach, connaît la musique. Il est désormais relayé par son fils Nico, passé lui aussi chez les grands d’Allemagne (Wissler au Vendôme ou Elverfeld chez Aqua). D’où un duo en cuisine à la fois tonique, créatif, jouant les saveurs d’ici, d’ailleurs et même de très loin avec fougue et subtilité.
Des exemples de ce qu’on trouve là ? Les amuse-gueules subtils avec la tête de crevette frite, la peau de pommes de terre déshydratée à la crème de truffe (superbe!), l’anchois en croûte de parmesan et carottes, les huîtres Gillardeau au gel de yuzu, fruit de la passion, chocolat sauge ou encore les couteaux au filet de veau, ananas et émulsion daïkon. Tout cela est fou, certes, très exotique dans la Murgtal, mais délicieux.
On ajoute les « vrais » plats, comme le foie gras à la poire, scampi et pop corn, le sashimi de saumon aux épices et pamplemousse rose, les petits calamars (ou totènes) au rouget grondin et gnocchi de boudin comme la plus locale poitrine de porc mariée à l’anguille et au cresson de fontaine. On ajoute le risotto d’oursin, l’entrecôte dry aged roulée avec sauce gingembre-échalote plus chicorée braisée, piment et wasabi. Bref, de l’insolite, savoureux et savamment dominé.
La ronde des desserts rafraîchissants vient en final d’un menu dégustation comme une symphonie légère: glace au lait de chèvre et pudding de riz plus fraise, chocolat Araguani et glace citron-mélisse ou encore praliné à la rhubarbe caramélisée, sorbet basilic-concombre et crème d’amande. En issue, la tête tourne, on est ailleurs. Mais un « schnaps » de la Forêt Noire peut vous remettre les idées en place. Il faut découvrir vite le magicien Sackmann.