Auberge de l'Ill
« Illhaeusern: l’Auberge sans Jean-Pierre »
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Evidemment, l’Auberge est toujours là: elle n’a pas bougé, se vêtant des beaux atours de l’été, avec le pleur des saules face à la rivière, les tables rustiquement dressées pour l’apéritif au dehors, le mouvement du personnel, gracieux comme un ballet, et le sourire des clients heureux. Evidemment, aussi, Jean-Pierre n’est plus là pour vous accueillir, faire des compliments sur une cravate, une pochette, une veste, une robe, une coiffure ou des souliers, contant les potins de l’heure, évoquant les amis de la maison chez eux et ici même, donnant le « la » du mouvement des choses.
Il était l’élégance même, et il inspire toujours les menus du moment avec ses fines aquarelles qui les ornent, si bien qu’ à tout moment, aujourd’hui, on pense à lui. Même s’il nous a fait faux bond il y a quelques semaines. Le service lui même a changé. Michel a pris sa retraite et Serge aussi. Patrick sourit, ou ce sera Alain, Pascal conseille les vins avec ferveur et entrain. Marc, lui est en cuisine, tandis qu’Isabelle vient, en fin de repas, s’enquérir de votre bonheur, et qu’à tout instant Danièle, qui ressemble beaucoup à son père Paul, conte à son tour les nouveautés du moment.
Bref, et on l’aura compris, l’Auberge de l’Ill reste une affaire de famille, avec les générations qui se répondent et se prolongent. Tenez, Laetitia, la fille de Marc, et Salomé, celle de Danièle, se relayent aussi à l’accueil. Et le petit Gabin, le petit-fils de Marc et arrière-petit fils de Paul, sourit déjà dans son berceau. Manière de rappeler que cette demeure mythique absorbe les modes et les nouveautés avec une déconcertante facilité. Même chose en cuisine, où l’on peut choisir les plats de mémoire et alterner aussi bien avec ceux de la saison.
La merveilleuse et neigeuse mousseline de grenouilles comme le délicat saumon soufflé ou la terrine de foie gras d’oie ou encore le homard prince Vladimir répondent présents. Même si sont venus s’y ajouter le maquereau grillé, avec sa salade d’artichauts crus, crème cuite au citron, basilic et jus de bouillabaisse, le saint pierre au bouillon dashi avec un cannelloni de poulpe, le carré d’agneau (ou le filet enveloppé dans une feuille d’épinard), avec son amusant et délicieux falafel de haricots tarbais, sa purée, sa salade d’herbes, autant que le quasi de veau rôti avec sa courgette fleur farcie, sa fricassée de girolles aux amandes fraîches. Délicats et délicieux, en vérité!
Les grands vins d’Alsace (muscat de Rolly-Gassmann, riesling Frédéric Emile cuvée du 375e anniversaire de Trimbach, pinot gris grains nobles de Josmeyer) et d’ailleurs (volnay 1er cru clos des 60 ouvrées de la Pousse d’Or, vieux madère de 10 ans d’Henriques et Henriques) ponctuent des agapes de grande classe, qu’on conclut sur des desserts à la fois généreux, stylés et formidablement gourmands comme la crème brûlée au café, avec sa chiboust flambée au pur malt, plus une divine glace à l’essence de café ou encore le blanc-manger aux amandes, griottes pochées et sorbet sureau.
Bref, et Jean-Pierre serait sans nul doute heureux de l’apprendre: sans lui, mais en pensant à lui, l’Auberge est bien toujours l’Auberge.
et qui va nourrir les cigognes si c’est plus Jean-Pierre qui le fait