Restaurant Alexandre
« Nîmes/Garons: Kayser en automne »
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Il est le grand chef discret du Languedoc-Roussillon, face à l’aéroport fantôme de Nîmes, où seuls les avions de Ryan Air atterrissent encore. Juste en face, c’est Alexandre, une institution de la gourmandise nîmoise, comme Blanc à Vonnas, Loiseau à Saulieu, Point à Vienne. Il y a la noble façade dans les tons rouges, la jardin policé avec ses beaux arbres, le décor revu avec fraîcheur et netteté, élégance, mais sans tapage.
Aux commandes, depuis plus d’un quart de siècle, Michel Kayser, natif de Bitche, instille sa marque. Il fut formé à l’Auberge Albert Marie de Rosbruck, au Bourgogne à Evian, chez Bouvarel à Saint Hilaire du Rosier en Isère, avant de partir pour le grand Sud, chez Paul Alexandre à la Grande Motte et de reprendre le restaurant de son jumeau, Pierre Alexandre, à Garons. Plus de 25 ans après, il est toujours là, plus fringant que jamais, avec Monique, native du Vercors, rencontrée jadis chez Bouvarel. Applique la rigueur d’un gars de l’Est à la cuisine du grand Midi.
Ce Mosellan rallié au Grand Sud avec passion est la modestie même. Son décor sobre lui ressemble. Les tables espacées, les vastes fenêtres, le mur du fond garni de cailloux, les luminaires modernes, le grand jardin avec ses pins qu’on aperçoit depuis de vastes baies ouvertes et où l’on peut déjeuner aux beaux jours : tout est fait ici pour vous mettre à l’aise, sans chichi, ni grandiloquence. Mais c’est, bien sûr, la cuisine qui attire ici le beau monde de la région nîmoise et environs : imaginative, fine, légère, fraîche, elle séduit, usant de l’huile d’olive, des légumes des jardins à l’entour, des poissons de Méditerranée, des viandes des montagnes environnantes.
Vive, technique, savante, sudiste et enracinée, sans fioriture inutile, sa « manière » séduit en jouant la re-création de la recette de tradition. Ce Lorrain « ré-enraciné » qui joue avec ferveur la cuisine du grand Midi, sait composer une symphonie d’automne de belle allure, réconciliant l’Est et le Sud en des mets scintillants. Le tartare de taureau de Camargue en tournedos serti de truffe avec son sorbet à la betterave et condiments, la (magnifique) soupe de palombe et gibiers à plumes accompagnée d’olivettes de beurre parfumé au genièvre, avec son pain paillasse au foie gras de canard cru font des préludes de grande classe.
Il y a encore la queue de grosses gambas camerone – ferme comme du homard – rôtie et servie avec des coquillages et des petits légumes, plus une bisque parfumée à a citronnelle et un mousseux au safran ou encore, en guise de « trou digestif », le sorbet aux noix et son rocher de cressin. On n’oublie pas l’admirable exercice de l’île flottante, façon quenelle soufflée, aux truffes de Provence, servie sur un velouté de cèpes des Cévennes, qui est « le » plat signature de la maison. Ou encore, pour signer la saison de chasse, qui dure là jusqu’en février, le râble de lièvre rôti avec ses ravioles de cuisses en civet, son coulis de coings à la fève de Tonka.
Les fromages fermiers en farandole de chez Vergne, au marché Nîmes, font la fête aux pélardons, servis frais, demi-sec ou affiné au vin rouge. Et les desserts sont un grand moment, avec ce croquant de fruits d’automne aux truffes, ce grand chariot monumental qui recèle des trésors sucrés – mais pas trop – comme cette somptueuse glace à la réglisse d’Uzès et ce sabayon au marc et aux raisins. Bref, voilà une grande maison qui fait honneur à sa région, avec cette cuisine signée d’un petit gars de l’Est devenu un grand cuisine languedocien.
Tout est au top dans cette grande maison.
Cette excellente table merite sa 3eme etoile.