La Table d’Antonio Salvatore au Rampoldi

Antonio Salvatore © GP

Il a 36 ans, un air de jeune homme bûcheur, toujours insatisfait, voulant sans cesse aller plus haut. Il monte des restaurants à New York, mais demeure fidèle et présent à Monaco dans sa table désormais étoilée au sous-sol de Rampoldi. Pourquoi ne pas le dire ? On souhaite un autre cadre que ce Nautilus gourmand avec écran géant où défilent des images touristiques de l’Italie et d’ailleurs pour mettre en valeur le talent vrai d’Antonio Salvatore.

Cannoli et barbajuan © GP

Ce natif de Guardia Perticara, qui a grandi en Basilicate dans la province de Matera, a suivi les cours de l’école hôtelière de Potenza, a fait l’apprentissage de grandes brigades, a oeuvré en Espagne, à Madrid et aux Canaries, mais aussi en Angleterre à Leicester, à Bassano-del-Grappa en Vénétie, puis à Moscou à l’ambassade d’Italie et sur un grand bateau amarré à un canal moscovite, enfin avec Nino Graziano, qui eut deux étoiles au Mulinazzo de Palerme, exilé de luxe en Russie dans son restaurant « Semifreddo ». Il montre ainsi qu’il est opiniâtre et sait voyager, se frotter à tous les styles.

Cappuccino de consommé de cèpes © GP

S’il fait brasserie chic sur le mode italien et méditerranéen classique au rez-de-chaussée de Rampoldi comme en terrasse, à deux pas du Casino de Monte-Carlo, Antonio laisse libre court à sa veine créative dans son sous-sol aménagé comme un sous-marin où l’on est comme en immersion, le soir seulement. Là, défilent les savants amuse-bouche : barbajuan à la crème de courgettes, cannoli farci de caviar d’aubergine et parmesan, gaufre au foie gras, chèvre, confiture de tomates et olives noires, tartelette avec crème de pommes de terre et girolles, biscuit au parmesan et beurre aux anchois.

Boutons de vitello tonnato © GP

On siffle encore le cappuccino de consommé de cèpes au café, avec son espuma de pommes de terre et truffe blanche, puis on découvre sa version du vitello tonnato en « bouton », avec veau rôti, sauce au thon, poudre de câpres et poivron fumé. Place ensuite au « Rosso di San Remo » : le divine soupe de crevettes rouges aux pistache de Sicile et tagliolini fraîches – un de ses meilleurs couplets ! Avant le « Girotondo (autrement dit : la « danse ronde ») di Raviolo: » des pâtes fraîches farcies à la joue de bÅ“uf, crème de parmesan, jus de viande, champignons de saison et truffe blanche.

Soupe de Gambero Rosso di San Remo © GP

On n’omet pas, au passage, le séduisant risotto aux légumes assaisonnés au vermouth ce qui leur confère une juste amertume. Ensuite un morceau de roi, simples et raffinées : les tagliolini à la truffe blanche. Il y a encore la sole méditerranéenne sauce vin rouge, fenouil et truffe blanche, puis la variation sur la volaille de Bresse, sauce crème caramel, son risotto de blé, son caviar de citron vert et gingembre et truffe blanche.

Tagliolini à la truffe blanche © GP

On achève en fraîcheur sur la gelée d’orange si fraîche et fort digeste, enfin la quenelle de châtaignes et chocolat blanc, avec yaourt maison et panna cotta au miel. Les assiettes sont vives et soignées, nettes et sans chichi. Le service conduit par Dario Caltè distingué et précis, sans être obséquieux. On a cédé en liminaire aux plaisirs du Negroni classique, avant les pinots noirs du Haut-Adige, le 2020 fin et léger de Franz Haas, le Barthenau Vigna Sant’Urbano 2016 plus charpenté de J. Hofstätter.

Gelée d’orange © GP

Voilà une idée de l’Italie vive et légère qui prend une dimension juste et précieuse, raffinée mais authentique et, sans nul doute, enracinée. On l’imagine ce beau talent s’épanouir dans un lieu plus ouvert, sans écran géant où courent les images qui dissipent l’attention du dîneur. On peut rêver ainsi au brillant avenir d’Antonio Salvatore …

Quenelle de châtaignes et chocolat blanc © GP