Ar Men Du
« Nevez : les magies de l’Ar Men Du »
On a connu là les le Guen père et fils. Mais la demeure (« Ar Men Du », autrement dit « la pierre noire » en breton) garde sa superbe et son chic, avec ses chambres marines, ses tables bien mises et panoramiques, sa cave alerte, sous la houlette du chaleureux et dynamique patron, Pierre-Yves Rouet. Reste que désormais cette belle table de bord de plage et de bout du monde, isolée sur son promontoire, avec ses jardins potagers, se voue à la cuisine locavore et éco-responsable (le Michelin a déposé là son « étoile verte »). Ce qui ne veut pas dire que le nouveau chef en place, Philippe Emmanuelli, brestois exilé vingt ans durant à Bruxelles, au café des spores, n’y cultive pas l’assiette créative au fil des saisons.
Sa Bretagne à lui? Elle est aussi bien végétale que iodée avec les beaux légumes des maraîchers environnants, les coquillages et poissons de ligne pêchés tout près. Autant dire qu’une expérience ici est forcément gourmande et bretonne, solidement enraciné, magique aussi car vécu au plus près de la mer partout présente. Les idées du moment changent, se renouvellent, aident à composer de jolis moments gourmands et le jeune sommelier Guillaume Negrao, qui a voyagé dans tous les vignobles, y compris l’Alsace et la Provence, trouve là des vins en rapport.
Une idée de ce qui vous attend là? De jolis canapés apéritifs avec les tomates coeur de pigeon farcie d’une purée d’églantier récolté dans les dunes, piment bec du jardin à la pâte d oursin fermentée, crackers de blé noir et tarama de bar, sans omettre l’amuse bouche sur le thème de la tartelette aux bigorneaux, ail et chanvre. Ensuite, un plat végétal : le ruban de céleri rôti, praliné et condiment citron, fenouil bronze.
Plus les saint-jacques juste saisies à la truffe noire, avec algue verte et herbettes du jardin et encore le homard des Glénan, avec morilles et jus de carcasse, avant le bar de ligne « ikéjimé » aux premières asperges de la pointe de la Torche, kumquat, orange amère, pouce-pied et son bar cru à l’huile de lin et combava du jardin. Un plat de viande ? L’agneau confit de Melgven au chou tendre et nèfle de talus.
En dessert, le pâtissier Jérôme Gouleven, fidèle à la maison et présent ici depuis treize ans, réinventent les douceurs locales, avec les asperges de la pointe de la Torche, la crème chiboust à la fleur de houblon, la glace à la bière IPA. Et pour les vins, on fait confiance au malicieux Guillaume qui nous épate avec le muscadet de Sèvre et Maine Château- Thébaud, domaine de la Pépière 2017, le blanc cassis Clos Ste Magdeleine 2020 si joliment acidulé des Sack-Zafiropulo, le riesling le Kottabe de Josmeyer 2018, le Vdf oxydé cuvée O2 de Jean François Otter, qui cadre bien avec le homard et les morilles… même s’il met un peu à côté de la place avec le (trop) doux jasnières les Rosiers domaine de Bellivière 2018.
En revanche, il se rattrape avec le bourgueil du domaine de la Chevalerie et le vacqueyras le Clos du domaine Montirius 2015. Et, avec les desserts, il régale son monde aussi bien avec l’angevin coteaux de l’Aubance du domaine de Montgilet 2017 et la bière bretonne IPA « Tri Martolod lemon tri ». Vive la pierre noire!