Rialto
« Gstaad : en terrasse au Rialto »
La maison n’a pas vraiment changé. Même si la terrasse s’est agrandie, doublant la surface possible de cette institution de la « Promenade » qui est à Gstaad ce que les Champs-Elysées (avec un brin de l’avenue Montaigne) sont à Paris. On y sert désormais une variété de pizzas et même de tartes flambées – presque comme en Alsace, mais à prix suisses, guère loin de 30 €. Explication : Yvan Letzter, l’homme de salle, qui fut vingt ans durant le sommelier de Robert Speth à l’étoilé Chesery, et l’un des meilleurs sommeliers suisses, est le rejeton des Letzter, Angèle et Wifred, qui tiennent l’exquis Caveau de Bischtroff-sur-Sarre, les reines et rois de la tarte flambée en version généreuse et modeste côté Alsace Bossue.
Yvan, qui ressemble de plus en plus au regretté Tony Schneider de feu l’Arsenal à Strasbourg pour le bagou et la faconde, la malice helvète en sus, anime sa salle et sa terrasse double avec un enthousiasme vite communicatif. Côté cuisine, officie toujours un autre alsacien, Manuel Stadelmann, natif du Haut Rhin, côté Eguisheim, formé brillamment chez Olivier Nasti du temps du Caveau, chez Marc Haeberlin à Illhaeusern, mais aussi chez Philippe Rochat à Crissier, avant de rallier Gstaad, notamment au Sonnenhof et au Chesery déjà nommé. Dans cette brasserie franco-italienne sur le mode passe-partout, où il joue un registre délibérément plus modeste, il fait plaisir à tous en élargissant sa palette.
Les portions sont copieuses, les assiettes souvent surchargées, les présentations un peu vues et revues. Mais c’est ce qui se plaît à une clientèle de gourmands sans états d’âme qui cherche à se sustenter gaillardement sans prise de tête. Le vitello tonnato, avec sa jolie mayonnaise au thon, reste le hors d’oeuvre vedette de la maison. Mais la salade César, exécutée dans les règles, avec salade Iceberg, poitrine de poulet, croûtons, parmesan et sauce César, est bien honnête. Comme les calamars farcis d’un hachis de viande épicée (du veau) à la vietnamienne, flanqués de dés de mangue, ananas, chou pack choï, coriandre, sauce curry, qui amusent et dépaysent.
Il y a encore la poitrine de cochon, cuite 36 heures, avec sa macédoine d’été et ses pommes de terre aux épices fumées, le suprême de pintade poêlé, avec poireaux et carottes confits, pomme de terre frites et sauce champignons, comme les spare ribs de veau avec légumes de saison à l’estragon, qui passent comme une lettre à la poste. Côté liquides, les bières maison fort bien tirées et dessoiffantes font tranquillement l’affaire. Mais le grand choix de vins français ou suisses impressionne, rappelant le passé d’Yvan et sa passion pour les grands crus de partout.
Reste que le joli chasselas du Lavaux, frais, fruité, un rien perlant, du château de Glérolles à Saint-Saphorin cuvée Planète, se boit sans soif. Et, au chapitre des douceurs, le délicieux café glacé, frappé à froid, avec ses brisures de biscuit croustillant, sa glace café, comme l’abricot en déclinaison, poêlé, mousse, sablé vanille, glace au miel, mettent un point final fort bien vu, sucré mais pas trop et fort digeste, à des agapes judicieusement conventionnelles.