La Merenda

Danielle et Dominique Le Stanc © GP

C’est toujours le meilleur bouchon du monde, dans un cadre frais, rustique, sans apprêt, avec ses quelques tables, ses tabourets en guise de chaise, son ardoise changeante, son rideaux en colliers de perle, qui vient réouvrir après confinement. Pour commencer à se refaire une santé en pays niçois, une première halte ici s’impose. Y officie un as des as : Dominique le Stanc, ancien de Chapel à Mionnay, de l’Auberge de l’Ill à Illhausern, du Cerf à Marlenheim, (où il rencontra son épouse Danièle Husser), de Lenôtre à Paris, d’Alain Senderens au temps de l’Archestrate – ce dernier l’appelait « Jésus » et, quand on le voit avec son air angélique, ses cheveux longs et sa barbe, sa mince silhouette intacte au fil des ans, on comprend pourquoi.

Ratatouille © GP

On l’y découvrit jadis au Bristol de Niederbronn-les-Bains  – c’était en 1979, eh oui, cela date ! Et le bonhomme discret se décida un beau jour de quitter l’Alsace pour filer sur la côte. Et on le suivit un temps à Monaco rue des Moulins, puis au Château Eza d’Eze-Village, avant qu’il ne remplace Jacques Maximin au Chantecler du Négresco. Ce « deux étoiles » qui en valait trois, a eu assez du luxe, du strass, des paillettes et des palaces. Il a eu juste envie de cuisiner. Se rappelant qu’il savait tout faire : le sucré, le salé, le régional, l’inventif, l’alsacien (ce qu’il est, malgré son patronyme breton) et le provençal.

Sardine farcie © GP

Bref, au lieu de courir le monde, ce sage a fixé son destin dans un bouchon avec sa cuisine placard, en compagnie de la belle Danièle, d’un plongeur natif du Bénin, qui exerça lui aussi dans les cuisines du Chantecler, plus un unique serveur, pour quelques tables ravies. Il y a les solitaires heureux qui se gavent de tripes de veau à la niçoise et au parmesan, les avocats qui plaident au palais à côté et laissent leur robe en gage (on ne réserve pas!), les touristes ravis, plus les Niçois heureux de savoir leur patrimoine en bonnes mains sous la gouverne d’un discret luthérien natif de Strasbourg.

Stockfish © GP

Il est vrai que les murs, malgré quelques lithos de César, sont anodins, que le lieu ne fait pas la retape. Reste qu’il suffit de goûter à la pissaladière ou la tarte de Menton, aux fleurs de courgette en beignets, à la sardine farcie, notamment, de blettes, à la divine ratatouille, aux fameuses tripes de veau d’une franche probité, flanquées de frites de pois chiches (la socca), sans omettre l’impérial stockfisch (qui est la morue séchée, dessalée, tomatée d’ici), plus les frais desserts changeants (cerises dans leur jus avec citron et menthe, toute aux blettes) pour savoir que cette demeure est un miracle renouvelé quotidiennement par les le Stanc depuis 24 ans.

Tripes de veau et socca © GP

Vous y ajouterez que l’exquis rosé niçois appellation Bellet du domaine de Toasc se boit tel un élixir de jouvence et que les prix restent doux pour tant de bonheur. Bref, voilà bien un bouchon en or.

Cerises et tourte aux blettes © GP