Hostellerie de Plaisance
« Saint-Emilion : un Breton trois étoiles »
Il chante Ronan sa musique à lui, s’est installé il y a trois ans à Plaisance. Y a vite regagné les deux étoiles, celles qu’ils avaient à la Chèvre d’Or d’Eze-Village. Ce Breton du Morbihan, sérieux et rigoureux comme on l’est en pays d’Armor, formé chez son père, jadis à l’Auberge Toul-Douar à Hennebont, passé chez Georges Blanc à Vonnas, Yannick Alléno au Royal Mansour de Marrakech, Guy Krenzer chez Lenôtre, a eu sans nul doute un parcours atypique. Et c’est sans doute pourquoi il semble tracer son propre chemin sans se soucier des autres.
Sa marche vers les trois étoiles ? Ronan Kervarrec l’accomplit en douceur et avec sûreté, usant d’une succession de jolis produits et de belles idées qu’on s’attendrait à voir entre Carantec et Cancale, La Roche-Bernard et Audierne, mais aussi à Paris chez les ténors natifs d’Armorique, comme Bernard Pacaud, Alain Passard ou Christian le Squer. Ainsi le tourteau de casier avec sa sa soupe des carapaces, son crémeux des têtes, son kari gosse – le curry morbihanais. Ou encore la divine galette de blé noir avec pomme de terre, andouille de Guéméné, qu’on accompagne d’une bolée de « sydre » d’Eric Bordelet, l’ex sommelier de l’Arpège.
Ensuite ? Les coques avec algues nori, marinière et pommes paille, le chou-fleur de Luc Alberti décliné, sur une belle assiette blanche, en béchamel, muscade et rôti. Avant la superbe langoustine de casier, à la chair si ferme, qu’accompagnent tomate confite, algue dulse, curry breton encore et aussi divines saint-jacques de la Baie de Quiberon avec chou-fleur et sauce genre beurre blanc au Noilly-Prat.
Le Sud-Ouest? Il est exalté ici à travers le superbe foie gras des frères Ribereau flanqué de cèpes, gyoza, brebis ou le poulpe du golfe de Gascogne au jus de poisson de roche, aïoli, oxalis, avant le ris de veau de lait bien craquant à la fraise de veau, réglisse, oignons grelots ou encore le lièvre français de belle chasse avec son râble en genièvre, son chou farci façon « royale ».
Mais la Bretagne est fêtée encore avec le turbot sauvage au kombu royal, praires et salicornes ou le mémorable homard dit « de mon enfance » cuit à la braise, escorté de wakamé et de boudin blanc, avant d’être célébrée sous sa forme sucrée, à coup de far breton avec vanille et prune d’Ente, gavotte au chouchen, sarrasin ou caramel ou encore mini-kouign-amann en arlette avec sa vanille de Madagascar. Séduisant en diable…
La carte des vins rappelle qu’on est bien là à Saint-Emilion, avec les choix du sommelier Benoît Gelin qui n’oublie pas les grands voisins, mais fait la part belle aux maîtres de céans, Chantal et Gérard Perse avec l’élégant et frais Montbousquet blanc, comme l’impérial Pavie en 2001, avec ses notes de cuir, de tabac, de sous bois, son intense concentration, sa franche longueur, son port altier. Bref, seigneurial, comme la demeure elle-même qui constitue le parfait écrin contemporain pour cette superbe cuisine-hommage au grand Ouest.
Talentueux, précis, un vrai chef et très très humain oui il nous emmène voyager au travers de sa cuisine
Guémené ! Sans accent sur le deuxième « e » !