Les Tablettes de Jean-Louis Nomicos

Jean-Louis Nomicos © GP

Jean-Louis Nomicos, ce technicien sage et modeste, ce grand de l’ombre, ce vrai discret, vous le connaissez par coeur. Le voilà qui se rénove, raccourcit son enseigne, se vêt d’un décor tout neuf, plus épuré, qui tend vers une certaine zénitude. Sol de bois de chêne, tables en corian ivoire, bordures en noyer, fauteuils en cuir, luminaires en verre soufflé, arches en acier rappelant les sculptures de Calder: le Nomicos nouveau joue une certaine sobriété artiste qui lui va bien. Sans omettre de revenir à ses origines méditerranéennes.

Aubergine brûlée, maquereau, poivron confit, croustillant de pois chiches © GP

Certes, le lieu est un peu froid, voire austère. Il n’y a plus de nappes sur les tables et le bruit ambiant est lancinant – reste qu’un brin d’insonorisation est prévu pour bientôt. En revanche, côté assiettes, c’est le bonheur total. Les plats de ce natif de Marseille, qui porte un nom bien grec et gère la cuisine de la voisine Fondation Vuitton, à l’enseigne de Frank, comme Frank Ghery, jouent à la fois le clin d’oeil aux racines et se présentent souvent comme des tableaux.

Légumes du sud cuits et crus, bagna cauda © GP

Barbajuans comme à Monaco – de mini ravioles frites aux blettes tels que les sert Alain Ducasse au Louis XV à l’hôtel de Paris -, fine tarte de Menton à la bergamote, royale de poivron doux et riz grillé ou sériole marinée huile d’olive jouent les plaisants amuse gueule et rappellent la maîtrise de cet ancien Ducasse, devenu à son tour un maestro de son registre à la Grande Cascade puis chez Lasserre.

Artichauts poivrades farcis en barigoule, poulpe, bouillon, bourrache © GP

Son intrigante aubergine brûlée, avec maquereau, poivron confit, croustillant de pois chiches, qui évoque un paysage de fin du monde, façon « Game of Thrones » ou encore les nervures d’un feuille d’un arbre mystérieux, ses splendides artichauts poivrades farcis en barigoule, poulpe, bouillon, bourrache, au goût imparable, ou encore ses légumes du Sud cuits et crus comme en jardin méditerranéen, présentés en bagna cauda, font figure d’entrées magistrales.

Rouget barbet, marjolaine, olives taggiasche, cœur de fenouil © GP

Ensuite? Saint pierre, rascasse et daurade en bouillabaisse fine, rouget barbet, marjolaine, olives taggiasche, cœur de fenouil encore épaule d’agneau et tian de légumes aux oignons doux caramélisés font figures de chefs d’oeuvres géométriques, comme des tableaux de Mondrian, colorés et rectilignes. Les vins, proposés par un jeune sommelier piémontais au mieux de son sujet, jouent la verticalité et la fraîcheur: chablis premier cru  Montée de Tonnerre de Louis Michel, sicilien Il Frappato d’Arianna Occhipinti.

Épaule d’agneau et tian de légumes, oignons doux caramélisés © GP

Les desserts jouent sur le même mode : jolis et savoureux à la fois. Avec le granité à l’absinthe avec confit de tomate à la vanille, glace fenouil, les agrumes du Mentonnais, avec leur crémeux au basilic et citrus, la tarte soufflée au chocolat grand cru et glace au safran, et les petits fours nouvelle vague, comme l’after eight glacé ou le saint honoré revu un chou ultime. Il faut revisiter Nomicos d’un oeil neuf.

Saint-Honoré revu en petit four © GP