Le Buerehiesel
« Strasbourg : Eric le magnifique »
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De lui, vous savez tout: qu’il a sinon hérité la maison du père, du moins en a payé le prix fort, car il est revenu à zéro. Ce chef unique et modeste, qui incarne l’Alsace vaillante dans ce qu’elle possède de meilleur n’a plus qu’une étoile chez Michelin, c’est qui est positivement absurde au regard de ce qu’il propose dans sa maison sises au cœur d’un beau parc. Cette ancienne ferme de Molsheim, remontée pièce à pièce, devenue un loft gourmand, avec son cadre rajeuni, ses baies ouvertes sur le dehors, vaut toujours le voyage.
Eric Westermann, car c’est bien de lui qu’il s’agit, raconte l’Alsace et la cuisine de son temps à sa manière brillante et forte. Un peu de classicisme rajeuni, du régionalisme bien compris, mais allégé avec science, des produits de haut niveau et une patte délicate pour leur faire rendre un son unique : voilà son style, qui s’apparente fortement à ce que livrait ici son père Antoine au temps où la maison avait trois étoiles.
Villeroy (une manière de parfait) de foie gras et compote de quetsches, bouillon de homard au gingembre, schniederspätle (les fameuses pâtes de tailleur en forme de raviolis, créés jadis par papa Westermann) avec ses grenouilles au cerfeuil et à l’oignon doux, ses coquilles saint Jacques de la baie de Morlaix, les noix grillées, plus un gâteau moelleux de noix de saint jacques (façon quenelle) en croûte, avec trompettes de la mort et jeunes poireaux, avec un jus de barbes crémé: voilà des plats comme des morceaux de bravoure.
Des exercices de style ? Certes, mais qui tous frisent la perfection et souvent y atteignent. Il y a encore la symphonie marine du turbot en velouté de laitue, avec couteaux et coques, et, car c’est la pleine saison de chasse, surtout en Alsace, le lièvre à la royale au butternut et patate douce qui parvient – une prouesse – à être léger, presque délicat. Là dessus, le jeune sommelier Matthieu Bisinger propose le frais muscat de Mochel, le riesling Steingrubler de Barmes-Buecher, élégant, riche et profond, le plantureux et limpide chassagne montrachet premier cru les Chenevières de Bernard Moreau et encore le capiteux châteauneuf du pape Santa Duc, « habemus papam« , prouvant, à qui en douterait, que les Alsaciens ont le coeur large.
Et les desserts ne déçoivent pas, comme ce soufflé chaud au pamplemousse, cette tarte aux figues avec sa glace au lait ribot, cette sonate « autour du chocolat » Manjari et Itakuja, ce finger chocolat glace mangue et passion. Voilà bien une grande table d’Alsace de la capitale de l’Europe, une grande table de Strasbourg, d’Alsace et de France!