La Table du Château de Sable
« Porspoder : pour saluer Julien Marseault »
Cette belle table sobre, gourmande, désormais étoilée, on vous en avait parlé à ses débuts. La gloire (locale) est arrivée, celle que l’on prévoyait, mais le chef Julien Marseault n’a pas pris la grosse tête. Ce Breton, jadis émigré en Corse, à Porto Vecchio, qu’on découvrit à U Santa Marina, formé à l’Agape à Sainte Marine avec Patrick Le Guen, passé à Paris chez Guy Savoy, puis à nouveau en Corse à Cala Rossa, enfin au Beau-Rivage de Lausanne, est revenu dans son pays brestois. Il y cuisine avec coeur les produits de la terre et de la mer, mitonnés au plus près de leur fraîcheur et de leur vérité, confrontés parfois aux épices d’ailleurs.
Le personnel est enthousiaste, jeune, souriant, la cave abondante. On l’admire depuis sa baie vitrée avant de découvrir la salle sobre, boisée, où l’on sert sur tables en bois, non nappées. Bref, le lieu a de l’allure du charme. Il lui manque encore une dimension panoramique. Mais elle devrait monter d’un étage et faire face alors à la dune, aux herbages proches et à la mer.
On a, en tout cas, redécouvert la demeure et son chef à l’occasion du festival du « Château Gourmand », qui rassemblait, dans les jardins et dans les belles salles médiévales du voisin château de Kergoadez, annexe de prestige de l’hôtel, et propriété des Jaclin, chefs, producteurs, vignerons pour une fête du goût pleine d’enthousiasme. Julien, qui accueillait quelques uns de ses collègues amis, comme le MOF breton des Abers, Jean-Luc L’Hourre, aujourd’hui en Corse dans le golfe du Valinco, avait mis les petits plats dans les grands gourmande pour une symphonie à sa manière.
Le programme ? Riche, varié, marin et végétal, avec des clins d’oeil aux proches jardins du Léon, comme au grand océan, à la mer d’Iroise, avec des portions raisonnables et équitables. Ainsi les jolis amuse-gueule marins, tartare de thon en cornet ou ormeaux d’élevage persillés, puis couteaux et palourdes du Japon et condiments, et encore saint-jacques et chou-fleur aux oeufs de hareng fumé., sans omettre la pomme de terre en purée à l’anguille fumée.
Un léger bémol pour le risotto Acquerello aux huîtres et foie gras, avec, certes, un mariage de saveurs terre/mer réussi – mais attention à la surcuisson du riz! Puis, un grand bravo au fameux rouget « bouillabreizh » avec sa sauce bisque safranée bien corsée, infusée au gingembre et basilic, et sa cuisson du poisson millimétrée. Et un autre bravo pour le bel exercice grand bourgeois sur le thème de la croustade et du pâté chaud avec ce fin croustillant de pigeon et foie gras, betterave et pâte de pomme poivre.
On y ajoute le frais couplet thé Earl Grey bergamote et l’amusant dessert dit « pomme pomme pomme », proposant le joli fruit local dans tous ses états (glace, fruit cru et cuit, entremet pâtissier). Bref, avec des crus venus du « festival du château gourmand » en accord, dont le joli champagne Bourdaire-Gallois, le splendide juliénas de Laurent Perrachon issu de vignes centenaires, le rouge anjou-villages-brissac des Lebreton et le fringant côteaux de l’Aubance en version douce et botrytisée des mêmes avec les desserts, la démonstration était réussie et la fête joliment tenue. Vive cette belle table qui fait honneur à son pays où tout commence, où tout finit!