Patrick Jeffroy - Hôtel de Carantec
« Carantec : Patrick Jeffroy ou l’éternel retour »
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Il est le leader invisible d’une Bretagne frondeuse, qui avance sans se montrer, fait miroiter ses produits avec ardeur, comme la beauté de son pays avec ferveur. Face à la baie de Morlaix, installé dans un hôtel années 1920, revu moderne, avec ses baies panoramiques, Patrick Jeffroy est un chef rebelle pile comme on l’aime: râleur, têtu, grande gueule, une sorte de Bocuse en version mini, un Chapel qui ne prêcherait que pour les siens, un Ducasse qui voudrait rassembler d’abord pour le fun les amis de sa terre.
C’est chez lui que Gérard Depardieu et Laurent Audiot font étape pour leur série hénaurme, d’Arte, A pleines dents. C’est lui qui leur fait comprendre la beauté d’un homard à l’armoricaine, rendant à l’iode sa noblesse, au crustacé sa grandeur. De fait, tout ce qui passe entre les mains de ce magicien frondeur se transforme en or. Breton cÅ“ur fidèle, qu’on connut à Morlaix (l’Europe), Plounérin (l’Auberge du Bon Voyage), devenu le sage de Carantec, le gars Jeffroy est devenu ce voyageur du monde qui aborde le globe, et singulièrement l’Asie, de Tokyo à Hong-Kong, via Singapour, en cherchant de nouvelles saveurs.
L’influence de l’ikejime, cette façon nippone d’occire le poisson sans le meurtrir, on allait dire de façon douce, lui doit beaucoup. Tout ce qui est servi chez lui est douceur, légèreté, fraîcheur, ode aux poissons et crustacés d’ici comme aux légumes du Léon, recréations sans faille, douceurs allégées. Ainsi, le thon mi-cuit et ses champignons à la grecque, donc à la coriandre, l’huître au persil et à la purée de panais, couteau de plongée et jus de poisson, sardine marinée, avec son tatare de poire et de Saint Jacques, le maquereau au chou pak choï, pamplemousse, l’ormeau en feuille de chou aux girolles présenté comme un nem.
Une symphonie marine, avec des inclinaisons végétales? Il y a de ça, mais sans omettre l’hommage aux traditions locales. Ce que prouvent la divine (mini) galette complète revisitée à l’andouille qui accompagne le nem d’ormeau. Splendide! On glosera après cela sur le hachis Parmentier de boeuf aux bigorneaux, la dorade royale avec sa hollandaise aux poivrons doux, la soupe de moules au curry safrané façon « billy by » moderne.
Il peut y avoir un peu de sable dans les couteaux, un peu tiédeur dans les derniers mets (cette daurade et cette soupe des moules qu’on a fait attendre en prenant des photos, pour Instagram, alors que la carte le précise: « ce restaurant n’est pas un cyber café« ). Et l’on n’en voudra pas à l’impétueux Jeffroy qui n’a pas « mauvais caractère », mais a, comme sa maîtresse d’hôtel historique, l’imperturbable Christine, « du caractère« .
Sa générosité, sa douceur, son goût des plaisirs d’enfance se reflètent dans les desserts qui ont nom : citron confit, crème de citron et mousse de mangue, glace gelée d’agrumes ou encore fondue de pommes confites reine des reinettes, glace sarrasin, confiture de lait, liqueur de cidre, comme des odes tranquilles au gourmand pays breton. Et les vins, proposés en accompagnement, jouent la découverte sans l’épate, le ravissement complice, sans le chichi grandiloquent: blanc frais cheverny du domaine du Veilloux ou plus charpenté, de l’oratoire St Martin à Cairanne, rouge fruité Belle d’Aunis de Marçon en Sarthe au domaine la Roche Bleue, avant le Lambig breton de rigueur, signé Seznec au Manoir de Kinkis près de Quimper.
Vive donc ce cuisinier frondeur, vive la Bretagne gourmande et rebelle, vive la fraîcheur iodée du Finistère, cette terre où tout finit, ce pays où tout (re)commence!
J’ai connu Feunteuna et l’europe, le bon voyage et plounerin; maintenant Carentec et ce breton relais très gourmand ! Bon vent Patrick .