Monsieur Restaurant au Lancaster
« Paris 8e : la nouvelle donne du Lancaster »
Le Lancaster, rue de Berri ? C’était la table chic, snob, ambitieuse, dans l’hôtel un brin british des abords des Champs-Elysées, d’abord sous l’égide de Michel Troisgros, puis de Julien Roucheteau. C’est devenu une halte relax, toujours gourmande, plus jeune d’allure, plus vive d’esprit, sous la gouverne de Sébastien Giroud. Ce trentenaire fort sérieux, formé à bonne source à l’Oustau de Baumanière aux Baux, au Relais Bernard Loiseau à Saulieu, chez Stéphanie Le Quellec au Prince de Galles, Eric Frechon au Bristol, qui fut ici le second de Roucheteau, a vite pris le mesure du lieu.
La table se nomme désormais « Monsieur Restaurant« , et le propos est de faire voyager le Parisien et la Parisienne de hasard à travers les régions françaises et ses meilleurs produits enracinés. On y est venu lors du mois consacré à l’Occitanie, avec des idées empruntées au terroir gascon en général, au pays basque en particulier, avec, en sus, quelques belles idées vineuses, signées de Jean-Luc Jamrozik, président des sommeliers de Paris et d’île de France, présent également au Baltimore, qui appartient au même propriétaire que le Lancaster.
Ce que vous trouverez là? Du beau, du vif, du frais, de l’enraciné, avec aussi de belles idées de saison venues d’ailleurs. Bref, un hommage rendu aux terroirs de France dans leur globalité, avec une variation splendide sur l’artichaut voilé de porc noir gascon ou en fricassée façon « vegan », un couplet superbe sur la langoustine bretonne avec cocos blancs de Paimpol et piment d’Espelette, une raviole ouverte de volaille avec sa quenelle absolument superbe, ses champignons rosés, ses herbes fraîches, ou encore cet autre couplet vegan sur le céleri rôti et les cèpes.
On craquera en salle pour le splendide gigot d’agnelet du pays basque avec ses céréales aux herbe, raisins et citron confit, qui permet un beau moment de découpe au guéridon. Et dans la farandole des beaux vins au verre, on retiendra le limoux blanc en chardonnay issu de Toques et Clochers, le sancerre dit l’original de Joseph Mellot, le chant des soeurs en corbières, plus le grand rouge les Cocalières de Sylvain Fadat (et qui ne l’est pas!) au domaine d’Aupilhac (syrah, mourvèdre, grenache, dans leur plénitude charmeuse en 2014). Mais le Borie la Vitarèle les Schistes, à Saint Chinian, ou le rouge irouléguy de Riouspeyrous au domaine Arretexea n’est pas mal.
On ajoute le joli « Préface » des Vaquer en rivesaltes qui épouse magnifiquement le vacherin glacé aux noix, poires et oranges ou encore le « tout pomme » avec son frais sorbet. La salle à manger est à la fois chic, confortable et raffinée, avec ses recoins, ses grands miroirs, ses beaux espaces, le service, mené par Benoit Bouquin, qui possède un faux air de Jean Dujardin et qu’on vit au Boudoir, va de l’avant et les formules sont raisonnables. Voilà une très belle table à redécouvrir.
Je confirme le ressenti exprimé dans l’article, une jolie balade automnale, inattendue, et pas forcément dans l’évidence au premier abord. Je n’étais pas partant pour un saucisson pistaché brioché ou un poisson à la grenobloise (traumatisme enfantin des cantines : pochage long et déséquilibre persistant de la câpre trop présente qui baigne dans un mélange beurre bouillon!), le tout dans un cadre trop formel quand mes envies me font pencher vers le bistrot. Mais invité par mon épouse, je pousse la porte. Une offre « vente privée » à 45 ou 46 verre de vin café eau compris, pourquoi s’en priver.
J’avais triplement tort, l’accueil est excellent, et ce dès la porte d’entrée, puis Benoît prend la suite en salle avec décontraction (apparente) et grande efficacité au service de notre bien être. L’équipe semble dans le même esprit.
Le cadre craint comme trop guindé devient cosy, dans une salle refaite avec goût, une belle verrière art déco au dessus du bar, une touche bourgeoise mais suffisamment neutre pour contenter tout le monde. Petit élément à la mode : la bulle dans le patio pour prendre son café (et ce fut proposé , ça n’est pas simplement pour faire joli)
Le mot que m’évoque la cuisine si astucieuse, et courageuse (cf mes craintes face à la tradition d’automne) c’est : réconfortant. Le merlu à la grenobloise, et ses déclinaisons de navet boule d’or, est simplement parfait et balaye mes à priori en un temps très réduit ! l’œuf parfait fut tel qu’indiqué, et le dessert malin dans sa légèreté. Un verre de vin qui ne se moque pas de nous pour terminer ma liste.
Au final on peut parler d’un vol : 39 euros l’entrée plat / plat dessert , eau et café compris, (de mémoire une selection de vins au verre est disponible entre 9 et 15 euros, vous rajouterez bien un verre) : c’est un prix débile, mais pas pour celui qui pousse la porte. Je sais que je reviendrai.