Saint James vu par Maurice Rougemont
Il est mon Tony Armstrong Jones. Qui illustra le Nouveau Londres (Plon, 1962) de Paul Morand, traquant dans le neuf visage de la capitale londonienne le visage rieur de l’Angleterre éternelle.
A Saint James, Maurice Rougemont s’en est donné à coeur joie. « Saint James était la patrie des excentriques. A leur amour de l’excentricité seul on peut juger déjà que les Anglais furent un grand peuple« , écrivait Morand.
Chez Lock, roi du chapeau sur Saint James Street, on mesure de la forme du crâne pour la confection d’un gibus, d’un haut de forme ou d’un melon sur la tête même du directeur, John Stephenson. Qui est tout ravi de vous montrer ses dernières créations…
John Stephenson est, il est vrai, tout à la fois l’héritier et le directeur de la maison Lock experte en chapeaux de vacances, de travail, de jours de fête, bref de toujours et de partout.
Saint James et son artère de Saint James Street. Le bout de la rue, c’est le palace cher au prince de Galles, qui donne, de l’autre côté, sur le très aristocratique Saint James Park. Mais la rue vaut aussi pour ses belles enseignes comme celle du marchand de vins vedette, Berry Brothers (on dit Berry Bros…)
Acheter du vin, c’est à dire un grand bordeaux ou un vieux porto, comme un cognac vénérable, tient du bel art.
Mais Saint-James, « le quartier des célibataires », c’est aussi la sarabande des belles vitrines de Jermyn Street. Magasins de chaussures (Lobb, Crocket & Jones), de costumes ou de chemises (Hilditch & Key, Turnbull & Asser)…
Des chaussures sur mesure chez Lobb, dont la fabrication tient du bel art artisan…
Des boutons de manchettes aux couleurs de l’Union Jack chez …
… Hilditch & Key, où choisir une cravate et l’assortir à une chemise donne lieu à un débat fervent et passionnant. Coloré aussi…
Il arrive que de faux gentlemen s’amusent à donner l’exemple devant des magasins en quête de clients…
C’est là encore que les gentlemen, avant le club, et juste après le bureau, prennent la pose le temps d’un verre. Par exemple au Red Lion, à l’angle du 2 Duke of York St. et de Crown Passage.
Mais Saint James est d’abord le lieu des belles demeures de l’aristocratie anglaise. Ainsi Malborough House, bâtie en 1710 selon un dessin de Wren pour le duc de Malborough, dévolu désormais aux pays du Commonwealth.
Un quartier de verdure où toutes les promenades douces s’offrent au flâneur sous le regard des souverains du temps passé…
C’est le lieu aussi qui fut dévolu à De Gaulle en juin 1940 pour établir les quartiers généraux de la France Libre.
Là, au 4 Carlton Gardens, que se perpétue son souvenir…
Alors que, juste en face, une statue en pied le représente fier et vainqueur de toute éternité…