Bernard Pivot, Antoine Westermann et Patrick Rambaud © GP

Ils étaient là, tous ou presque, les Goncourt, de Bernard Pivot à Didier Decoin, en passant par Patrick Rambaud, Régis Debray, Philippe Claudel, Edmonde-Charles Roux, Tahar Ben Jelloun, Pierre Assouline, Paule Constant et Françoise Chandernagor, cités pêle mêle, présents avec gourmandise au déjeuner du centenaire de leur académie si conviviale, en compagnie d’une vingtaine de journalistes littéraires et gastronomiques. Votre serviteur, qui adhère aux deux confréries, n’aurait évidemment manqué cet événement sous aucun prétexte.

Brochet et oeuf poché © GP

Parmi les absents, qui ne pouvaient avoir tort, le délicieux Robert Sabatier, décédé l’an passé, et Michel Tournier, fatigué, qui s’est mis en congé d’académie, et fait retraite dans son presbytère de Choisel en vallée de Chevreuse. L’académie vivante et vaillante, gourmande, avec sa doyenne d’âge, la grande Edmonde, et son dynamique et médiatique président, le valeureux Bernard, prince du tweet, était en tout cas aux premières loges. Bernard Pivot rappelait d’ailleurs que Drouant savait « réconcilier la littérature et l’estomac », un joli clin d’oeil au pamphlet de  Julien Gracq qui refusa jadis le Goncourt pour « le Rivage des Syrtes » (en 1951, chez José Corti), après avoir dénoncé précisément « la Littérature à l’estomac », chez le même éditeur, deux ans auparavant.

Volaille du Gâtinais aux cèpes © GP

Antoine Westermann, alsacien comme Charles Drouant, le fondateur de la maison, avait grandement fait les choses avec un buffet inspiré de la gourmande Colette, valeureuse académicienne: jambonneau de cochon en gelée, pâté de campagne « la pathérèse », artichauts violets frits et citronnés, beignets de cervelle d’agneau sauce gribiche et tarte à la tomate et à l’anchois, escortés d’un champagne Lanson Extra Age brut et d’un chablis 1er cru Mont du Milieu 2012 du domaine Garnier et fils.

Mousse glacée aux framboises © GP

On ajoute de solides plats de résistance à l’ancienne, inspirés des plats proposés au jury entre 1914 et 1939, comme l’admirable brochet des Dombes cuit au cour-bouillon avec ses condiments, un oeuf poché et une vinaigrette au vadouvan, manière de revoir de façon légère et sapide un poisson de rivière souvent sec et gâché par ses arêtes, qu’escortaient un élégant riesling sec Geisberg 2010 de chez André Kientzler à Ribeauvillé et un pouilly fuissé le Moulin 2011 plus rond, mais pas forcément en meilleur accord, signé Jean Manciat.

Philippe Claudel et la goulée de Clos d’Estournel © GP

On poursuivit par le poulet du Gâtinais, signé de ce maître ès volaille, qu’est Antoine Westermann, relayé par un de ses adjoints du Coq Rico, servi avec sa cuisse farcie aux béatilles, sa poitrine rôtie, ses cèpes cuits et crus, son jus de volaille, qu’accompagnait un exquis médoc dite la Goulée 2008 « by Cos d’Estournel », plein de fruit et de gourmandise. Avant la mousse glacée à la framboise et aux fruits rouges relevée d’un brut rosé de Billecart-Salmon issu d’un magnum. On ajoute encore les mini-cakes aux fruits et le pudding à la semoule et au rhum tirés du carnet de cuisine de Colette. Avec le mot de la faim (ou de la fin?) du gourmand (et lorrain) Philippe Claudel selon lequel « en cuisine comme en littérature, le grand naît du sincère« .

Patrick Rambaud, Bernard Pivot et le voiturier © GP

Drouant