Hommage à Eric Faye

Article du 29 octobre 2010

Il vient d’obtenir le grand prix du roman de l’Académie Française, pour son petit dernier « Nagasaki« , ouvrant ainsi la saison des récompenses d’automne. Voilà l’occasion de rendre hommage à Eric Faye, écrivain minutieux, discret et, quoique jeune encore, riche déjà d’une belle oeuvre. Je relis mes chroniques consacrées à deux de ses livres: le « Syndicat des pauvres types« , une fable très piquante, parue en 2006, et « Mes Trains de Nuit« , joli récit de voyage, datant lui de 2005. A relire d’un oeil neuf.`

Blême et blafarde: c’est la fable d’Eric Faye. L’auteur de « Je suis le Gardien du Phare » et du « Général Solitude », qui ne s’est jamais distingué par sa gaîté absolue, livre une parabole cruelle sur la solitude. Son anti-héros, Antoine Blin, va devenir, malgré lui, le héros de tout le monde. Enrôlé dans un syndicat qui recrute les méprisés, les refoulés, les rebuts de la société (mais dont il sera l’unique membre par une habile supercherie), héros d’une émission de télé réalité destinée à élire « Monsieur tout le monde », il finira au Panthéon. Célèbre, trompé, assassiné. Obsessionnel dans ses hantises (cette odeur qui lui colle à la peau), transparent et insoumis, Antoine Blin, raconté de l’extérieur par un observateur narquois comme de l’intérieur par lui-même, achève sa vie ordinaire en héros attachant. Eric Faye, à qui on doit aussi le joli « Trains de nuit » n’en rajoute pas dans le déprimant ni dans le scabreux. On lit ce roman noir comme une parabole sur la solitude der l’individu dans les temps modernes. Un éloge du rien, un précis de recomposition, une manière de faire un pied de nez à tout ce que se vide, comme des épluchures psys, sur nos petits écrans modernes.

Le syndicat des pauvres types, d’Eric Favre (Stock, 216 pages, 16,50 €).

Hors rentrée ou en périphérie, voilà un bijou littéraire à ne pas louper. Les amateurs de poésie du voyage, de Larbaud à Cendrars, de (Marcel) Thiry à (Olivier) Rolin, y retrouveront l’un des leurs. Le dernier des mohicans? Il y a de ça. Eric Faye pratique des ruses de sioux zélé, amoureux des vieilles locos et des compartiments chromés pour nous conter ses arrêts en gare de Berlin, dans le brouillard de la DDR, ses dérives de Tachkent à Samarkand, avec des images de la steppe grandeur nature, ou sa perception d’un ciel « bleu Magritte » entre  Trondheim et Bodo, vers les Lofoten. Les odeurs de Pékin, côté gare centrale, du champagne de Crimée bu dans le Transsibérien, la neige au tunnel de Simplon, entre Brig et Sion : et voilà le lecteur vite gagné en compagnon de route. Il y a, disait Breton, des livres qu’on lit en voyage. Et d’autres qui font voyager. Ces « trains de nuit » sont évidemment de ceux-là. Si rares, qu’on ne les prête pas.

Mes trains de nuit, d’Eric Faye (Stock, 246 pages).

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Publié le 29 octobre 2010 par

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