GästeHaus Klaus Erfort
« Sarrebruck: un magicien nommé Erfort »
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Connaissez-vous Erfort? Ce quadra timide qui ne sort guère en salle, fait à peine parler de lui. Il s’affirme pourtant comme l’un des tous premiers chefs d’Allemagne. Dans son bel hôtel particulier de la Mainzerstrasse qui abrita jadis le siège des Houillères de Sarre, il bluffe son monde, mais sans épate. Son royaume: un labo clair, lumineux, ultra moderne, ouvert sur le dehors, où officie une dizaine de commis disciplinés. Au service de menus étincelants et de produits superbes. Pas d’esbroufe, pas d’effet de manches, ni de strass, de paillettes, mais la vérité du produit et elle seule mise en relief: c’est la manière Erfort.
Ce pur Sarrois, formé jadis en Forêt Noire chez Harald Wohlfhart, au Schwarzwalstube de Traube Tonbach et au Bareiss de Mitteltal, qu’on découvrit à ses débuts au Park Hôtel de Völklingen, est, depuis près de douze ans, la star de la capitale du plus petit Land d’Allemagne – et l’un des plus dynamiques. Il gère une brasserie sise dans le quartier des abattoirs (Schlachthof Brasserie), tandis que son ancien second, Jens Jakob, titulaire de deux étoiles, s’est installé d’abord dans la même rue au n°26 ensuite au 10, dans l’hôtel Domicil Leidinger. Manière de dire que Erfort, élève surdoué devenu maître d’école à son tour, fait des petits, donnant à Sarrebruck les contours d’une capitale gourmande.
C’est, en tout cas, chez lui qu’il faut le découvrir, dans le cadre de sa sobre et noble maison, guidé par le maestro de salle Jérôme Pourchère, ardéchois d’origine, rallié à l’Allemagne, jadis, via le Bühlerhöhe en Forêt Noire, et devenu le sommelier-maître d’hôtel de la demeure. Ce qui se livre ici: une partition réglée comme du papier à musique, où le meilleur des idées du moment se livre ici en de superbes « assiettes vérité »: homard breton à l’eau de tomate, grosses langoustines royales de Nouvelle Zélande si fermes et si savoureuses, cuites au gros sel dans leur marmite en fonte, escortées d’une variation d’artichaut en condiment, frit ou frais au naturel, écrevisses aux cèpes avec leur râpée de champignons ou encore turbot aux asperges dans son fin bouillon.
Cela change, bien sûr. Et l’artichaut pourra se marier au turbot et la langoustine au chorizo. Mais ce qui demeure, d’un repas l’autre ici même, c’est la maîtrise de ce grand gaillard discret qui refait le monde avec ses assiettes fines, brillantes, légères. La présentation des mets en salle, sous l’égide du malicieux Jérôme, qui pratique le guéridon comme une seconde nature, comme les plus jolis vins d’Allemagne commentés par ce dernier (frais riesling de Fritz Haag en Moselle ou plus élaboré de Rudolf Fürst en Franconie, magnifique spätburgunder de Knisper en Palatinat aux airs de côtes de nuits) confèrent une classe supplémentaire à un repas d’exception ici même.
On y ajoute les fringantes variations carnassières, comme le dim-sum de canard aux jeunes poireaux et aux truffes d’été ou encore le magnifique boeuf de Kobé si fondante, dans sa nudité exaltante, avec son aubergine grillée, enfin l’amusante variation fromagère sur le munster blanc à la pomme verte avec son écume d’amande et ses noisettes, avant le cannelloni de chocolat Manjari aux mirabelles en fruits compotés et glace. Assez pour se dire qu’un repas ici même est une grande fête qui se savoure avec intensité, dans un cadre zen, ouvert sur le vert du parc au dehors, comme un moment d’exception.