Auberge St Laurent
« Sierentz: Laurent le magnifique »
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C’est une maison qui change, qui a changé, récemment, alors qu’on s’en est à peine rendu compte. On vous en avait parlé il y a trois ans. Elle abrita, depuis 1640, date de sa construction, divers commerces, avant d’être, dans les années 1950, le café restaurant des Arbeit donnant naissance à la maison de Marco et d’Anne qui s’y installèrent dans les années 1970, l’embellissant petit à petit, la dotant de chambres croquignolettes sur les thème des métiers d’artisans, agrandissant la cave, bichonnant la terrasse et le patio.
Après Anne et Marco, c’est désormais la jeune génération avec Laurent, le fiston, qui a fait ses armes à l’Auberge de l’Ill, puis chez Alain Ducasse à Monaco (quatre ans!), avant de prendre le pouvoir et de conter ici sa propre histoire. Pas de bouleversement ni du décor, ni du service, ni de l’esprit familial de la maison. On prend le temps de partager l’apéro avec papa Marco en tenue de vacancier, tandis que la symphonie du menu est rédigée par Laurent avec brio. Ce qui se propose là? La rencontre de la tradition d’Alsace avec les saveurs de la Riviera et de la Méditerranée, des idées en légèreté, de l’huile d’olive, de la truffe, mais aussi du foie gras avec son petit kougelhopf doré et sa confiture de choucroute et le sandre laqué aux écrevisses, histoire de dire que l’esprit du terroir d’Alsace n’est pas oublié.
Laurent, qui a soin de ne brusquer personne, instille sa marque avec un menu de saison qui est une ode aux saveurs de l’été. Son grand menu s’intitule d’ailleurs « joli menu des beaux jours« , manière de dire que le Sud de l’Alsace, où se situe Sierentz, figure la porte vers tous les Suds gourmands. Il y a le gaspacho au homard en amuse-gueule, le jaune d’un oeuf de la ferme voisine du Wolfgarta avec les légumes craquants du moment, de fins haricots verts frais au wakamé, quelques grains de caviar d’Aquitaine, du sésame. Un début tout en finesse et légèreté.
Et puis le carpaccio de langoustine au citron caviar sur son riz noir et moelleux à l’encre de seiche, les supions à la plancha – un plat assez basque d »esprit qui donne des envies de virées entre Biarritz et St Jean-de-Luz. La vapeur de bar au sabayon de thym citron avec son tian de tomates vertes et ses mini courgettes trompettes ramène lui entre Nice et la rocher monégasque façon Ducasse. On remarquera tout de même que si l’esprit d’ici et d’ailleurs se trouvent présents là, on n’est jamais dans la copie, mais dans la création sage. Ainsi ces superbes spaetzle « comme un risotto » aux artichauts et truffes d’été, qui résume bien le balancement précis de la nouvelle « manière Arbeit ».
Façon de dire que cette cuisine chantante et savoureuse, vive et ensoleillée, affirme sa singularité avec discrétion. Les desserts n’échappent pas à l’enchantement, avec les cerises en clafoutis, avec compotée et glace pistache, ou poêlées avec leur sabayon neigeux au kirsch. Et, in fine, l’assez fabuleux soufflé au Grand Marnier, quasi crémeux, avec ses jaunes blanchis à l’eau de vie, sa glace vanille, ses quartiers de fruits, fait une bien jolie surprise à partager en deux.
Les vins au verre (riesling vieilles vignes de Jean Sipp à Ribeauvillé, pinot noir de Christian Barthel à Albé) respectent l’esprit alsacien de la demeure. Et le service est pile comme on l’aime: prompt, complice, souriant, explicatif, quoique jamais pesant. Voilà bien une grande maison en devenir.
Ps: Deux post-scriptum à cet article: a/ Laurent Arbeit a été consacré « chef de l’année » du Pudlo Alsace 2015. b/C’est là qu’exerce Xavier Koenig, tout jeune lauréat à 19 ans du concours « Top Chef » 21015. Bravo à tous les deux!