Conversation avec Claude Lebey sur le « danger » des blogs

Claude Lebey à la Table du Royal Mansour © GP
Conversation douce ce midi avec mon vieux pote et néanmoins collègue Claude Lebey, né Jolly, à la terrasse de la Table, au Royal Mansour de Marrakech. Nous ne sommes pas seuls. Jean-Pierre Chaumard, qui dirige la royale demeure, et le photographe Jean-Daniel Lorieux, sont là aussi. Entre la soupe de fenouil glacé, le vitello tonnato et le rouget désarêté avec ses pennes au basilic, mitonnés avec finesse et dextérité par l’équipe de Jérôme Videau/Yannick Alleno, la conversation roule sur le « danger des blogs« , dixit Claude.
Soyons clair: voilà un collègue qui a une génération de plus que moi, dont le guide de Paris a trois ans de plus (il l’a récemment vendu, mais le veille encore et l’accompagne à l’occasion de sa prochaine sortie chez Albin Michel), qui a créé un guide des bistrots faisant référence et, avec qui, en 25 ans, je ne me suis jamais querellé. Ce n’est pas aujourd’hui que ça va commencer. Claude ne sait d’ailleurs pas que je suis l’auteur, moi aussi, d’un blog. Il nous cite, ce midi, celui d’une japonaise évoquant le « corner » parisien aux Galeries Lafayette de son amie et auteur Fumiko Kono et le critiquant vertement à Tokyo. Le danger pour lui est que ça va trop vite et que l’on peut dire n’importe quoi, contre n’importe qui, même de valeur.
Claude, qui parle en râleur convaincu d’une voix forte et précise, avec le verbe saccadé et tranché, a, sans nul doute, raison. Mais: et alors? Moi qui plaide ici pour la liberté de tout dire, celle de se tromper, comme de vérifier ses dires, accepte la critique contre moi-même et celle des autres, je me moque assez de ce qui peut se dire ou non de Fumiko Kono. Profitons pour rendre hommage à Claude Lebey, qui a publié tout ce qui se fait de mieux depuis près d’un demi-siècle en matière d’auteurs de livres de recettes, aussi bien Chapel (« La Cuisine, c’est beaucoup mieux que les recettes »), que Senderens, Gagnaire, Witzigman, Wynants ou Girardet. Grâce à qui VGE récompensa Bocuse d’un ruban rouge, ouvrant la voie royale à la médiatisation des chefs.
Homme d’influence, éditeur (chez Robert Laffont, puis chez Albin Michel), coach de talent (il lança notamment Julie Andrieu, qui travailla d’ailleurs, grâce à lui, pour mon Pudlo France), animateur du club des Cent, des croqueurs de chocolat et des fumeurs de havanes, Claude a bien le droit de se tromper lorsqu’il parle du « danger des blogs ». Mais il a le droit aussi de soulever un problème d’éthique. Ajoutons qu’un blog, pour nous, hommes de guide, est le fameux complément réactif qui permet, par exemple, de parler de Philou (10e) ou de Saturne (2e), avant que la presse quotidienne ne s’en saisisse, de rectifier le tir aussi sur une maison que nous avons encensée ou oubliée, alors que nos pages sont bouclées. Ce matin, dans le Figaro, un chroniqueur gourmand qu’on me pardonnera d’oublier de nommer, reprend quasiment mon titre du 23/09/2010 concernant Saturne (« ça tourne rond!« ) et l’argumentation de mon confrère Bruno Verjus de Food Intelligence (dont il oublie de mettre le lien sur son propre blog), faisant semblant de croire que la « cohorte des bloggers » étant passée, il est temps maintenant d’y aller franchement.
Soyons clair: sans blog et sans bloggers, le paysage gourmand des années 2010 ne serait pas aussi riche, aussi contrasté, aussi ouvert, aussi complice, aussi amical, aussi diversifié, aussi hospitalier. Souhaitons même qu’il s’enrichisse!
Ayant assez bien connu dans un autre temps, Claude Jolly-Lebey, je serais plutôt de son avis sur les blogs. Tout va trop vite, et ils servent de prétextes à toutes critiques les injustes, où le discernement n’est pas toujours professionnel. Ce Monsieur a l’art de la Critique pour la Cuisine, comme M. ………., le bien connu, pour la littérature. Son sixième sens est respectable.
Bonjour Mr Pudlowski,
J’admire depuis peu seulement ,vos escapades, voyages ,reportages ,coleres parfois (ie:Compagnie Aerienne que je ne citerais pas)ainsi que votre humour mais aussi votre bon sens tout comme dans cet article.
En effet les « Blogs » sont peut etre aussi rapide que le bouche a oreille et qu’ils sont a saisir ,a chouchouter comme un nouveau ne, car les roi/reines du « Social Media » y vont a coeur joie , pas sans fautes cela dit mais cette nouveaute nous apporte tellement d’informations , que ce soit a pris reduit, sans les efforts d’un voyage au travers les continents….etc
Alors, merci de bien vouloir partager avec nous toutes ces pensees et superbes photos qui nous forcent parfois a rire, resentir et nous font decouvrir de jour en jour des choses pas forcement a la portee de la main de facon journaliere, si ce n’etait pas au travers des « Blogs »
Homage a vous, homage au « Blog » .
Bravo Gilles, vous avez tout pigé!
Simplement merci!
Je connaissais le critique gastronomique du Point et j’ai découvert l’écrivain talentueux cet été avec le Dictionnaire amoureux de l’Alsace. Eh bien je retrouve dans votre « conversation » cette grande ouverture d’esprit, cette intelligence accompagnée de délicatesse qui font que vous lire procure un réel plaisir. J’apprécie beaucoup la finesse avec laquelle vous exprimez vos points de vue.
Je consulterai plus souvent votre blog !
Bravo pour votre perspicacité! Je corrige. Et merci!
J’aime beaucoup votre lapsus dans le titre de votre billet:
Conservation au lieu de Conversation …
Va t-il faire autant de bruit que celui de Rachida Dati ???