JY’S
« Colmar: l’Alsace nouvelle selon JYS »
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JYS? C’est Jean-Yves Schillinger, qui est à la fois timide et volontaire, sûr de lui et ouvert, fort en gueule et réservé: un concentré de chef voyageur qui a bourlingué de Colmar à New-York en aller-retour, fut conseiller ici, chef conquérant là, promoteur de table neuve. Je ne compte plus les adresses, brasseries, tables de golf ou de music-hall, qu’il lança. Je me souviens de ses débuts avec son père rue Stanislas, des deux étoiles aux temps héroïques du foie gras d’oie au naturel, du canard au citron et de la crème brûlée. ll fut même, un temps, promoteur de sushis à son compte, dans une table nippone du coeur de Colmar.
Sachez en tout cas que Jean-Yves est chez lui rue de la Poissonnerie, dans cette demeure pleine de charme du coeur de la petite Venise où il est entouré de son épouse et aussi de sa fille en salle, qui vient ici donner un coup de main juste pour le « fun ». Que ce bourlingueur assagi n’a pas perdu les bonnes idées fugueuses qu’il chipa ici et là, vola à l’air du temps. Cela tient parfois du gadget, de l’hommage au cuisine du monde, comme ce pamplemousse qui vous revigore le palais entre deux mets avec sa gelée « collée » à l’agar-agar.
Bref, Jean-Yves qui n’est pas un Alsacien comme un autre joue la cuisine avec esprit, conçoit d’ailleurs les menus comme un jeu et nul ne s’ennuie chez lui où l’on a toujours le sentiment d’aller de surprise en surprise. Les gyozas, ces fines ravioles japonaises, légèrement croustillants, avec sa sauce à l’hibiscus, le cocktail de crabe avec guacamole, oeufs de poissons volants dans un bouillon de dashi, sorbet wasabi et pomme verte ou encore le haddock avec thon et saumon fumé plus pickles de légumes et anchois marinés sont des hors d’oeuvres colorés, drôles, savoureux et piquants.
Avec ce drôle de zèbre, le palais est en fête, l’esprit sollicité. Ainsi avec les saint-jacques mariées au boudin noir ou la langoustine royale alliées à la seiche épaisse (et tendre) avec sauce aigre-douce à l’orange légèrement pimentée. Une de ses plus jolies réussites: sa lotte cuite vapeur aux herbes, avec son fin gel de citron jaune, sa râpée de raifort frais, son anguille rôtie, sa sauce genre nage au fumet de poisson, propre à réveiller les palais les plus blasés!
Il y aussi le plus classique suprême de poulette jaune fermière, cuit comme un steak, avec ses berlingots de maïs en tandoori, son chou pak choi farci de champignons. Et le royal agneau , la poitrine et le carré rôti à la fleur de sel, flanqué de légumes thaï, d’un long haricot vert et d’ail chemise: riche, certes, mais sans lourdeur.
Les desserts figurent un joli moment, entre le » 100 % chocolat », lait et noir, glace et fondant, les fraises gariguettes en feuille à feuille de meringue et mascarpone, leur coulis fraise/basilic faite devant le dîneur avec gousses de vanille en cuit minute, brûlé au sucre roux. La carte des vins est riche, mais les crus au verre permettent de boire bon sans forcer la note (gentil d’Hugel, pinot noir T de Turckheim).
Bref, au gré de ses menus malicieux, de ses idées neuves dans un cadre rajeuni, voilà une demeure à revisiter d’un oeil neuf.