Ducasse fait aimer Londres
Il a aimé Paris, New-York, Monaco. Le voilà à Londres. Et c’est le meilleur « opus » de la série. S’en rend-il compte? Il fait la nique au Guide Michelin avec ces adresses anglaises relativement peu connues, en tout cas très métissées, bigarrées, colorées, comme échappées à l’air du temps, qui jouent le puzzle charmeur et libertaire, échappant aux classifications ouatées.
Ce qu’on trouve là, en vrac? Un chef qui vante l’Italie aux couleurs de sa Calabre originelle, deux Indiens qui importent les saveurs épicées du Kerala, un traiteur comme à Jérusalem (Ottolenghi), un coin de campagne (Hackney City Farm) à Haggerston, des pubs d’atmosphère, une chic brasserie comme le Wolseley, un branché de Clerckenwell (St John), un ancien hangar à vélos dans Shoreditch (« Rochelle Canteen »), sans omettre un martini prestement servi avec quelques olives au bar du Connaught, plus des propos à bâtons rompus avec Michel Roux au Gavroche. Bref, ce Londres là sort des normes habituelles, oublie volontairement les stars du tout Londres, les étoilés à succès (le Ledbury y est, certes, mais ni Gordon Ramsay, ni Hélène Darroze, ni Marcus Waering, ni the Green House, ni the Square, ni Hibiscus, ni Heston Blumenthal), évite les jardins souvent ratissés, respire à l’air libre.
Alain Ducasse, qui a réuni une équipe performante, donne la parole aux uns et aux autres. Le choix des maisons et des photos, celles de son complice Pierre Monetta – qui donne son unité profonde à tous ses albums -, les textes joliment rédigés de Rosie Birkett et la mise en page soignée de Pierre Tachon font ce « J’aime Londres » un ouvrage exceptionnel. Le chef d’oeuvre d’un genre vagabond, qui donne envie de prendre illico un billet pour l’Eurostar et de filer vers Brixton ou Pimlico, Chelsea ou le West End. Superbe sans restrictions!
J’aime Londres, d’Alain Ducasse (Alain Ducasse éditions, 35 €, 440 pages). En vente le 20 mars 2014.