L'Abbaye de Talloires

Bon, c’est vrai, le lieu historique – celui d’une ancienne abbaye royale avec son cloître devenu un hôtel moderne avec des actionnaires fameux, dont l’acteur Jean Reno – est magique dans la lumière du soir. Il y a le moment où les lampadaires s’allument face au lac, où tout s’oublie ou se pardonne. Ou presque. Le cloître, les chambres exquises et à l’ancienne, le service gentil tout plein, l’accueil chaleureux de l’exquise Dunja Studen Kirchner, qui joue la mère poule pour ses hôtes et commente le devenir de ce bel établissement historique avec son chatoyant accent slovène, font plaisir, certes. Mais il faut bien manger et les chefs se succèdent ici sans trop assurer une continuité.

Le dernier en date se nomme Olivier Descôtes, a travaillé chez Bocuse et Vergé, mais n’en a guère retenu de leçons de sagesse. La fleur de courgette farcie de mousse de volaille aux légumes est d’une fadeur coupable, la « friandise » de foie gras avec sa gelée de nectarine et son clafoutis (eh oui!) aux fruits rouges est à la fois mauvaise (pas d’autre mot exact) et ridicule,  les saint-jacques marinées en « fraîcheur » à la verveine et citron vert (hors saison, venues d’Amérique) sont ramollies et sans goût aucun.

On ajoute le mi-cuit de longe de thon à la coriandre, baies roses, poivre de Sichuan, compotée de fenouil et concombre confit à la menthe jouant l’embrouillamini de saveurs sans trop de sens et l’omble chevalier surcuit, servi en sandwich avec ses écrevisses poêlées, son écume de crustacés évanescente, ses pâtes farcies à la duxelles, le tout tiédasse.

In fine, les desserts de la petite pâtissière Nathalie Maby mettent du baume au coeur du gourmet lassé. Crémeux de cerises et coque de chocolat et vacherin glacé menthe basilic ne sont pas mal. Comme l’apremont du domaine Brard choisi avec malice par un sommelier vendéen à la ferveur convaincante qui raconte la Savoie nouvelle avec verve.