Kasbür
« Monswiller: le Kasbür rayonne »
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S’il y a un chef que j’ai vu couronner avec bonheur par le Michelin cette année, c’est bien Yves Kieffer du Kasbür. Je suis cet élève de Marc Meneau à Saint-Père et de la Tour d’Argent depuis belle lurette, en tout cas depuis l’époque où il fut chef à la Savoyarde à Val d’Isère. Depuis près de quinze ans, il est le bon chef artisan aux doigts d’or des abords de la D421 qui mène vers Detwiller. Les fous de belles et bonnes chaussures alsaciennes connaissent l’adresse et passe devant lorsqu’ils se rendent à la Manufacture Heschung et à son magasin d’usine de la Zone Industrielle d’Eigen.
Hors mode, les Kieffer accueillent d’abord les gourmets de partout, les amoureux des saveurs justes et des goûts pointus. Yves, timide et même effacé, n’est guère du genre à se mettre en avant. La douce Béatrice en salle, relayé désormais par une jeune sommelier maître d’hôtel qu’on vit jadis – entre autres – au Cerf de Marlenheim sourit avec l’évidence du naturel, se fait sa douce complice pour vanter sa cuisine fine, finaude, qui n’oublie pas ses racines alsaciennes.
La fine tarte aux cuisses de grenouilles, avec son cresson de fontaine, son pistou à l’ail des ours comme l’oeuf frit au lard paysan et ses pommes pailles et des goujonnettes de sole panées avec leur béarnaise légère sont deux superbes hommages -modernes, drôles, malicieux, savoureux – au terroir du grand Est dans ses saveurs exactes et aventureuses. On y ajoute le fine tranche de thon Albacore mi-cuit et mariné sur un sablé provençal avec sa pomme au wasabi, le maigre sauvage aux girolles sur son blini de pommes de terre et sa quenelle de crème à la réglisse pour se dire que le gars Yves, auquel l’étoile n’a guère tourné la tête, cuisine avec science et conscience.
On y ajoute le bel exercice sur le train de côte de veau cuisiné au sautoir avec sa fricassée de légumes de saison et l’agneau interprété à l’orientale avec sa semoule aux herbes et ses jolis légumes (aubergines, pois chiches) façon couscous le filet farci de tapenade, la côtelette grillée. Les desserts ne déçoivent pas, comme la « dualité entre le noir intense du chocolat et le fruité de la framboise » mariant mousse chocolat noir et sorbet framboise au piment d’Espelette ou encore le feuille à feuille croustillante avec sa mousse de chocolat blanc au sorbet yuzu et sirop basilic, deux jolis couplets sucrés, mais pas trop.
Là dessus le muscat de Paul Buecher à Wettolsheim, le riesling Prince Abbé des Schlumberger ou encore le joli Lalande de Pomerol Âme de Musset de Pascal Delbeck – qui fut le mythique vinificateur d’Ausone et de Belair à St Emilion, font des escortes de classe, pas forcément attendues. Bref, voilà une demeure en devenir, au mieux de sa forme et de son avenir. La façade de la maison de ce « paysan fromager » risque d’ailleurs de subir d’assez jolies transformations prochaines. Mais chut! C’est encore un secret…