Au Cygne

Fabien et Laure Mengus © GP

Il y a un an et demi, ils étaient les tout jeunes patrons arrivant dans cette demeure fameuse, après tout de même, huit ans de maison pour Fabien. Voilà les Mengus seuls chez eux, bien installés au Cygne. Laure, en salle, a pris du galon, de la maîtrise et du charisme, Fabien, qui fut formé jadis chez Golla, au Boeuf Rouge, à Niederschaeffolsheim, signe véritablement sa carte, sans omettre les classiques d’avant, joue la fraîcheur avec netteté. Bref, il faut bien reconnaître que les deux étoiles conquises par les Paul et toujours données à cette demeure sont méritées.

Jambonnettes de grenouilles © GP

La maison elle-même, façade bleutée, colombage soigné, lierre et vigne vierge sur les murs, intérieur raffiné, service à  l’unisson, n’a pas changé. Les prix, pour une maison de ce type, n’ont pas fait de bond avant. Il y a toujours un menu à 50 € qui permet de faire le tour de la question sans se ruiner. Bref, on est là dans du sûr et de l’éprouvé. On ajoute les conseils pertinents d’un jeune sommelier de 21 ans, ancien de Bohrer à Rouffach, très au fait de son sujet, qui vous conseillera un pinot H vieilles vignes de Josmeyer 2010 aux airs de pinot gris avec nez sauvage, bouche riche, finale longue, ou un pinot noir d’Hugel en 2007 très séducteur, pour accompagner des mets qui jouent l’Alsace avec brio autant que l’air du temps avec malice.

Légumes aux escargots © GP

Un peu de sud, des légumes croquants, de l’huile d’olive, du classique revisité, des présentations superbes et de la découpe au guéridon (pour un poisson, chose rare et pertinente): voilà ce qui vous attend là. Avec de bien jolis amuse gueule (dont une mousseline de céleri au goût de café étonnante), des hors d’oeuvres toniques, des retrouvailles bienvenues. Comme ces impeccables schiedersapedle aux jambonnettes de grenouilles sautées aux herbes aux oignons grillés. Ou encore la grosse morille farcie avec sa royale d’asperges, son velouté de champignons blancs et cèpes.

Tronçon de lotte © GP

Morille farcie © GP

La nouveauté? Le mélange de jeunes légumes avec vinaigrette de balsamique blanc, sauté d’escargots sur un flan à l’ail, plus un cromesquis au beurre d’escargots. Alsacien et méditerranéen à la fois: belle alliance! Et puis aussi le tronçon de lotte au thym et laurier, servi en cocotte, avec asperges, artichauts, jus vierge aux herbes, découpé devant vous avec maestria… On n’oublie pas la noix de ris de veau présentée en brochette de citronnelle, rôtie au beurre salé, son ragoût de pied de veau, foie gras, graillons de ris de veau. Non plus que les rognons émincés (un peu perdus, au demeurant) dans un gâteau de pommes de terre ratte, son émulsion au raifort de Mietesheim (hommage au pays du raifort, tout voisin de Gundershoffen), plus un jus réduit au porto.

Ris de veau rôti au beurre salé © GP

Rognon de veau et purée de pommes rattes © GP

Ces exercices acrobatiques se révèlent brillants et bons, et surtout de grand goût. De même les jolis desserts, comme la Forêt-Noire revisitée avec sa glace au kirsch et son jus de griotte, l’amusant savarin destructuré,  mais dont on retrouve pleinement parfum et texture avec ses fruits exotiques ou le tout chocolat. On épilogue sur les petits fours, les truffes. Et l’on a envie de dire : n’en jetez plus! Voilà, sans redondance aucune, une grande maison d’Alsace rajeunie.

Forêt-Noire revisitée © GP