La Marine

Alexandre Couillon © Maurice Rougemont

Il garde la tête froide, croule sous les compliments et les réservations, les demandes de démonstrations à l’étranger. Mais il ne plie pas sous le vent de la mode. Les deux étoiles de février dernier? Ce fut comme une bourrasque dans le doux ciel de Noirmoutier. Cet ancien de Guérard, Paineau, Marx (à Cordeillan-Bages), que me recommanda jadis Philippe Legendre aux temps de ses débuts passionnés, a su conserver la maîtrise de son agenda et celle de son domaine. Ce dernier est toujours divisé en deux: bistrot marin, avec son ancienne salle revue relax et pas chère, jouant la cuisine du marché sans oeillère (la Table d’Elise), et le navire spatial néo-années 1960 avec ses vingt couverts pris de haute lutte.

Le service © Maurice Rougemont

On hésite entre les diverses propositions d’un menu qui se délivre par petites touches, que Céline, en pasionaria active et didactique, expliquera avec science et conscience. On songe à un cousinage avec ce qui se propose chez Kobe Desramaults, au In de Wulf, mais davantage tourné vers la mer. Symphonie douce, instants fragiles, glissement pudiques: jolie variation sur la pomme de terre (chips, cornet glacé, mousse divine), croustillant en friture d’algue et huîtres, tartelette fèves, menthe et mulet, crackers navet, noix de coco et sardines de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, fausse truffe avec maquereau et café, et puis trois petits pots contenant crémeux d’asperge et mousse de lait, coques, jus de carotte, chantilly et estragon ou encore maquereau, avocat et rhubarbe.

Les plats © Maurice Rougemont

On se laisse glisser dans une ambiance douce et joliment furtive, avec ses petites assiettes jouant surs l’aigrelet et l’acide, le doux et le vaporeux, comme une partition agile. Les choses sérieuses? Elles arrivent avec l’huître au bouillon de lard et d’encornet, les coquillages de la marée du jour avec leur bouillon d’oignon rouge, les langoustines bien fermes aux petits pois, framboise et yaourt mentholé, le formidable turbot escalopé bien ferme avec courgette, lait de chèvre et melon. Cela ne pèse pas, même si cela déborde d’idées. Et, en issue carnassière, le canard challandais signé Burgaud aux cerises vinaigrées à la vanille se déguste comme une friandise.

Alexandre au jardin © Maurice Rougemont

Côté vins, on joue volontiers la carte locale, avec le Moulin Blanc (pinot noir vinifié en blanc de Jérémy Mourat) ou le Brem rouge Reflets du domaine Saint Nicolas signé Thierry Michon, avec son nez très végétal de poivron vert dû à la majorité de cabernet franc. Et, en issue, on sacrifie avec plaisir au chocolat marié au pin maritime en sorbet, à l’alliance du foin et de la peau de lait à la sauge au maïs ou encore de la fraise et du miel d’acacia à l’oseille. C’est culotté, mais équilibré, audacieux, mais constamment tenu sur le fil. Bref, pas si couillon que ça le style du bel Alexandre de Noirmoutier…

La façade © Maurice Rougemont