La Chassagnette

Armand Arnal et Michel Mialhe © GP

C’est une demeure qui ressemble à un bonheur aux champs. Un mas, que possèdent les Hoffmann, d’Hoffman-Laroche à Bâle, et qui joue le produit bio, les légumes cultivés en douceur, la cuisine raisonnée. Aux commandes, un duo qui s’est connu dans l’orbite Ducasse: Michel Mialhe, qui fut jadis le maestro d’Ostapé en d’Iparla en pays basque, et Armand Arnal, qui fut notamment aux fourneaux de l’Essex House new-yorkaise. Ici, dans le monde plat et doux des marais, à deux pas des haras et des salines, ils recréent leur monde camarguais, brut du pays, comme le suggère Armand dans un bien joli livre.

Velouté d’herbes © GP

Ils recommandent les belles adresses voisines (notamment celle l’Estrambord d’Eric Lacanaud) ou des Alpilles. Bref, ils racontent, expliquent avec faconde, dissertent avec emphase et enthousiasme. Leurs sujets de prédilection? Les beaux légumes de saison, qu’ils cultivent en douceur et vendent parfois à leurs amis les poissons du jour et les idées de saison, autant que les jolis vins d’un sommelier, qui travailla au Verre Volé rue de Lancry à Paris et comme stagiaire comme Thierry Allemand à Cornas.

Asperges © GP

On boit le joli rosé Terre des Chardons dit « Rosée d’été », le château de Crémade en AOC Palette ou encore le splendide blanc costières de Nîmes du château de Fages, histoire d’accomplir des mets fins, vifs, légers, craquants qui donnent le sentiment de grignoter un jardin bucolique piqueté de notes marines. Des exemples? Le velouté d’herbes amères avec son caillé de de brebis, ses pimprenelles, les lisettes grillées avec leurs fèves à la ciboulette, leur sauce Tonato (crème de thon aux câpres), leur cresson des fontaines ou encore les belles asperges blanches avec vinaigrette safranée, yaourt de brebis, roquette et menthe sauvage.

Lisettes et fèves © GP

Cela croustille, croque, coule en bouche comme du velours, non sans une pointe d’acidité fort digeste. Le poisson du jour servi entier? Ce sera un loup ou une dorade en croûte de sel ou encore un splendide saint-pierre à la citronnelle, qui fournit à Michel Mialhe l’occasion d’un bel exercice de découpe au guéridon, sous l’oeil aiguisé de son complice de cuisine Armand Arnal qui quitte ses fourneaux pour en surveiller l’exécution patiente. Le gadget, venu d’ailleurs, peut s’immiscer dans cette cuisine d’inspiration provençale, avec ce flan au tofu venu « renforcer » une jolie cassolette de petits pois et légumes verts parfumés à la mélisse et à la bergamote.

Saint-Pierre à la citronnelle  © GP

Cassolette de légumes au tofu © GP

En dessert, on peut préférer le classique et divin vacherin à la mara des bois au thym-citron avec son sorbet fraise, qui joue sur le craquant, le moelleux autant que le glacé, au (très) culotté soufflé de petits pois avec sorbet menthe et sauge. Mais l’entremet rhubarbe avec verveine/citron et son sorbet rhubarbe est pareillement séducteur sur un mode joliment maraîcher, frais, léger, écolo, bref, résolument dans l’air du temps.

Entremet à la rhubarbe © GP

Vacherin © GP

Soufflé aux petits pois © GP

La maison est aisément prise d’assaut, d’autant que le grand jardin sous les arbres séduit, que le décor intérieur moderne, genre atelier contemporain a été refait avec charme et un premier étage style bibliothèque très « chez soi chez les autres ». Les prix, certes, ont fait un bond avant, avec un premier menu à 85 € qui permet de faire le tour des idées du moment en sept stations de plaisir. Mais voilà bien une demeure d’exception qui demande d’être découverte juste pour elle-même dans son presque bout du monde.

Une table © GP