3

La femme de nos vies de Didier Van Cauwelaert

Article du 7 mars 2013

La femme de nos vies, de Didier Van Cauwelaert

Voilà le type même d’auteur que je suis depuis ses débuts, qui prend soin de se renouveler sans cesse, vous surprend avec talent, vous étonne avec sa manière de jongler avec des vies parallèles. Il est auteur à suspense, familier de la science fiction, flirtant, au besoin, avec l’autobiographie (« le père adopté »), rusant avec le roman d’amour, cumulant les genres. Il prend même le risque de dérouter son public en multipliant les classements de sa propre oeuvre déjà abondante. Il y a les seconds départs, la raison d’amour, les regards invisibles. Lauréat du Goncourt (pour « Un aller – simple »), fou de vins et capable de citer le concours de meilleur sommelier du monde et le nom de Philippe Faure-Brac  dans son dernier livre, adapté au cinéma – et de quelle façon !- avec « Hors de Moi » devenu « Sans Identité », Didier Van Cauwelaert ne fait rien pour flatter la critique qui aime les cases bien nettes et bien rangées, comme les classements rigides.

Le fait est qu’il s’en moque comme de son dernier succès. « La femme de nos vies » est, en tout cas, une preuve vibrante de sa virtuosité. Inspiré d’un fait réel, ce roman rédigé à la première personne est la confession de David Rosfeld, alias Jürgen Bolt, fils de paysan, paysan lui-même et « autiste léger », rescapé de la dernière guerre en Allemagne … en se faisant passer pour juif et en prenant la place d’un authentique petit génie détenteur du secret de la fission de l’atome Nous sommes au soir de sa vie. Voici notre David/Jürgen rendant visite sur son lit de mort à Ilse Schaffner, réputée criminelle de guerre lors du procès de Nüremberg, mais qui, en fait, gérait un hôpital regroupant des surdoués de tout bord susceptibles de glaner des succès scientifiques au profit de l’Allemagne nazie. David/Jürgen réussira, grâce à elle, à fuir aux USA et à devenir un des assistants d’Albert Einstein.

Ce récit confession en forme d’autobiographie à mi-voix se livre non seulement au lecteur de hasard convoqué comme oreille complice mais aussi à la petite fille française d’Ilse, Marianne le Bret qui va découvrir peu à peu qui était sa grand-mère. Pas une sainte, non, mais une exécutrice de basses oeuvres, vouée peu à peu, comme malgré elle et sous l’influence des événements, à devenue une opposante farouche et désespérée aux desseins hitlériens de se débarrasser des « anormaux ». Le récit est riche, la langue savoureuse, le discours – impliquant des dialogues implicites – pleins d’imprévus. C’est dire qu’on ne s’ennuie pas une seconde avec ce Van Cauwelaert vraiment pas comme les autres… L’un des plus réussis de son prolifique auteur.

La femme de nos vies, de Didier Van Cauwelaert (Albin Michel, 294 Pages, 19,50 €).

A propos de cet article

Publié le 7 mars 2013 par

La femme de nos vies de Didier Van Cauwelaert” : 3 avis

  • Bonjour,
    Voilà qui donne envie de plonger dans ce livre qui est un des rares de cet auteur que je n’ai pas encore lu.
    Merci
    Anne

  • Anthonioz

    J ai adoré ce livre ! Les témoins de la mariée était loufoque et sympa, la on plonge en douceur dans un contexte si violent … Réalité ou fiction , on n ose pas dire que l histoire est belle !
    C est un livre très attachant, le monologue se mélange au dialogue avec simplicité. On ne peut plus le quitter avant la dernier page, encore , encore !!

  • Inconditionnelle de Didier v. C., j’ai particulièrement apprécié ce dernier livre que je viens de dévorer. Il en fallait, de l’imagination, pour nous faire passer des GENISSES aux GENIES en faisant fi des SS. Et du talent, pour mystifier le lecteur au point de lui faire prendre un monologue pour une conversation à deux voix. Signé: une Marianne qui, elle, parle allemand…

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !