Rasoi by Vineet au Saint Géran
« Ile Maurice: Vineet, l’Indien magnifique »
Il s’appelle Vineet Bhatia, est né à Bombay en 1967, a appris la cuisine avec sa maman. A été voir ce qui se tramait dans les meilleures cuisines européennes. A travaillé en Inde, dans le groupe Oberoi, avant d’obtenir, chez Zaika, sur Kensington South, la première étoile accordée à un chef-patron indien.Vineet Bhatia? Une star de son métier!
Vrai, ce lutin rieur a du génie. Avec sa petite taille, ses yeux vifs, son air de Calabrais malicieux qui en remonterait à plus d’un sur l’usage du risotto à partir du riz basmati (une hérésie pour un puriste piémontais) ou le tiramisu où le mascarpone est remplacé par du fromage indien, le magique Vineet Bathia séduit à coup d’étincelles.
Le Michelin Great Britain ne s’y est pas trompé qui l’a étoilé – au Zaika dans Kensington – dès 2001, lui redonnant son étoile en 2004 lorsqu’il s’est installé à son compte, dans une minuscule demeure de Chelsea où toute la capitale anglaise accoure aux premières loges. L’espace est compté, les lumières un peu chiches, la déco exotique un peu « cheap ». On sait que les Bhatia ont vendu jusqu’à leurs chaussettes pour acquérir un bail de 99 ans sur une terre appartenant toujours – eh oui, on est en Albion – au marquis de Cadogan. L’essentiel est ce qui se trame dans l’assiette, se livrant au gré de menus malins, peu chers au déjeuner (25£), beaucoup plus le soir. Mais d’emblée Vineet et sa « Rasoi » (ou cuisine en indien) se situe au niveau des tous grands.
C’est également ce qu’il propose à Genève, où il a obtenu une étoile d’emblée au Mandarin-Oriental ex Hôtel du Rhône. Mais aussi, pour ce qui nous occupe ici, au One & Only Saint Géran de l’île Maurice. Ce géant de l’hôtellerie balnéaire de luxe a offert à cet Indien magnifique le cadre rêveur et rêvé, pile sur l’eau, qui fut celui du « Paul et Virginie ». Une équipe 100% indienne, mais mauricienne, oeuvre dans son esprit, offrant la cuisine indienne revue contemporaine de ce luron espiègle qui sait ce que cuisiner veut dire.
Le tandoori de sacré-chien au citron avec son rien de yaourt, si moelleux, ou de saumon fumé au gâteau de crabe massala, avec un chutney et des crevettes croustillantes résument joliment sa manière: anglo-indienne, néo-coloniale avec malice, savoureuse et craquante à la fois. Les crevettes tandoori flanquées d’une glace au chutney d’herbes mentholées jouent sur le même ton, comme le medley de samosas (épinards et raisin, noix de coco et feuilles de curry, plus asperges et shitakés).
On craque d’emblée pour les brochettes de boeuf flanquées d’un samossa de légumes, servies en amuse-gueule. On aime, sans mal, le duo de fruits de mer (camaron – la crevette d’eau douce mauricienne – et babonne – le nom local du garoupa ou grouper) en entrée dans sa marinade épicée, comme l’exquis gueule pavé au citron, sauce sambhar avec tomates et lait de coco. Côté viandes, le poulet tandoori cuit au charbon de cuit façon makhni avec sa sauce tomate et fenugrec, son riz basmati au safran, son pakora aux épinards font merveille.
Les desserts constituent une divine surprise, avec la splendide variation sur le thème du chocolat, avec une gâteau marbré chocolat, amandes et noix caramélisées, ou encore les superbes glaces safran, pistache, rose à la gousse de vanille et café. Là-dessus, un jeune sommelier croisé chez Jacques Chibois à Grasse trouve le chardonnay ou la syrah d’Afrique du Sud qui feront des épousailles séductrices.
Voilà, avec un choix de nan (les pains au tandoor) superbes, une autre façon de découvrir les saveurs magiques de Vineet Bathia.