Hommage à Lacarrière: relire l’Eté Grec

Article du 26 août 2010

Ce n’est pas tout à fait la fin de l’été. Mais bien le moment de relire ou de lire simplement ce classique du livre de voyage qu’est « L’été grec ». Nous sommes en 1975. Jacques Lacarrière, qui a publié l’an passé « Chemin faisant » (Fayard), le récit de sa marche à pied à travers la France, 1000 km des Vosges aux Corbières en quatre mois, raconte là ses expériences dans toute la Grèce, du Péloponnèse aux Cyclades, en passant par la Crète, sans oublier le Mont Athos. Ni ses rencontres vraies ou imagées avec Séféris, Eschyle, Icare, Penzikhis, Elytis ou Prévélakis (l’auteur du « Crétois »).

Sa prose érudite, qui renoue avec les mythologies (dans une « Grèce quotidienne de 4000 ans »), est à la fois savoureuse, juteuse, si riche et si dense que toutes les relectures s’y avèrent fructueuses. Voici un extrait d’un texte sur  son approche de la gourmandise d’ici, vue de Crète.

Lecture studieuse de "L'été grec" © Maurice Rougemont

« Il est vrai que je dois à quelque heureuse disposition de la nature (comme on eût dit dans des récits anciens) de m’adapter très vite aux usages, aux nourritures, aux façons de vivre des lieux où je voyage. La chose n’est pas si aisée, même à vingt-cinq ans. Il y faut un minimum de santé organique, un estomac solide, un foie docile, des papilles libertaires qui acceptent sans trop rechigner  le tsipouro de deux heures du matin, après la liqueur de banane, le yaourt de chèvre qu’on a laissé deux jours au milieu des mouches, l’eau jaune, parfois verte, des citernes où la pluie s’est fait trop attendre. Mais, ce faisant, j’ai éprouvé tous les plaisirs d’un corps qu’on nourrit, qu’on fatigue et qu’on délasse autrement, première façon qu’à un pays de vous parler: par ce qu’il introduit en vous de substances nouvelles, de liquides fantasques.

La Crête m’enseigna tout cela par sa nourriture montagnarde, ses fromages secs, ses olives, ses fruits, ses bouillies d’épeautre, son pain noir, son vin rosé et d’autres saveurs que je découvris: les graines et l’huile de sésame, le fenouil séché au soleil, le basilic frais, le miel de résine et partout ce goût et cette odeur de chèvre qui couvre jusqu’aux vêtements à force de dormir dans les villages sur des planches recouvertes de peaux. J’ai même une fois mangé de l’aigle (…) »

in « L’été grec » de Jacques Lacarrière (Plon, Terre Humaine, 1975).

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Publié le 26 août 2010 par

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