Au Bon Pichet

Roland Barthel ©Maurice Rougemont

Il est toujours question de bonheur quand on parle de gourmandise en Alsace. A Sélestat, chez les  Barthel, on ne déroge pas à la règle.La demeure a de l’esprit et du cœur sous une allure anodine. On la remarque d’ailleurs à peine derrière sa rangée d’arbres, dans la jolie ville de Beatus Rhenanus, fameuse pour sa bibliothèque humaniste. Le tee-shirt flottant, la bedaine généreuse, Roland, le père, passe en salle, s’assied à chaque table, refait le monde, narre les plats du jour. Il figurait dans ma galerie de « Grandes Gueules », voir le livre sous ce titre paru chez Glénat avec mon compère Maurice Rougemont. Il n’a pas changé. le lieu non plus.

Relayé en salle par son fils Franck, passé chez le Père Floranc à Wettolsheim et chez les Haeberlin, Roland, ancien boucher, sûr de ses produits et fier de sa partition, donne le ton. L’esprit de sa maison est bien celui d’une winstub d’avant. Le stammtisch (autrement dit la table d’hôte) s’orne de photos de Bocuse et d’une kyrielle de grands chefs, dont Troisgros, Marcon et d’autres, venus ici, après la fameuse soirée des 40 ans de trois étoiles de l’Auberge de l’Ill, se faire fête simplement. On goûte là des choses simples et bonnes : de  jolies terrines, un presskopf à la vinaigrette au vin rouge, un foie gras épatant, comme un hareng mariné  ou une emblématique bouchée à la reine (avec ses  jolies quenelles de volaille). Il y a encore la belle choucroute au riesling, le franc tartare de bœuf « aller/retour » servi avec ses pommes sautées, le pied de porc farci « comme l’aimait Paul Haeberlin ».

Bref, un répertoire de tradition fort précieux qui ressemble à la conservation du patrimoine. On y ajoute des desserts jouant les plaisirs d’enfance, avec la splendide mousse glacée au kirsch (mieux que la tarte à rhubarbe où le fruit de saison est un peu étouffée par la pâte et la meringue). Les jolis vins de Bott à Ribeauvillé (pinot blanc et rouge en pichet), comme la bière Météor ou Storig se boivent à l’aise. Bref, voilà une maison de cœur où l’on est vite chez soi. Même – et même surtout – si le Michelin l’ignore !