La Fruitière et la Folie Douce

Il pourrait fêter ses quarante ans à « Val », a ouvert une Folie Douce à Val Thorens, une autre à Méribel, explore ce qui fait de mieux dans toutes les stations du monde, arrive d’Andorre ou en repart, on ne sait plus. Pour la saison, en tout cas, quand vous serez chez lui il sera chez lui, c’est sûr.

Jamais à court d’idée, devançant la mode et la créant au besoin, Luc Reversade s’amuse à réinventer la cuisine des hauteurs. Jouant le self chic à la Folie Douce ou le bistrot grand style façon ferme et laiterie d’opérette à l’enseigne de la Fruitière, ce Charentais rallié, depuis belle lurette, aux vertus gourmandes des Alpes, tient la forme perpétuelle.

Ce baroudeur aux airs de Clint Eastwood savoyard imagine des tapas nouveau style, trouve toujours des idées différentes pour goûter du foie gras au chutney d’oignons avec noix et genépi, comme le beaufort en quiche, tuile ou fajita et le reblochon en nem ou en sucette. Bref, on ne s’ennuie pas un instant chez ce drôle d’aubergiste qui reçoit en seigneur, avec une équipe vive, jeune et rodée, à 2400 mètres d’altitude, au cœur des pistes. Juste à côté de l’arrivée de la télécabine de la Daille, ce manager hors pair, qui emploie une centaine de personnes dans son domaine avalin et peut faire manger mille personnes au sommet, a imaginé le plus beau « self » de France.

Cette Folie Douce, avec ses boiseries, ses murs tagués d’inscriptions tendance, ses rideaux de fausse fourrure sert des « snacks » jolis et bons (poireaux en ravigote, gratin de macaroni, crozets au beaufort, petit salé aux lentilles, poulet rôti). L’après-midi, le lieu se transforme en dancing fou avec un « DJ » entraînant.

Tout à côté, son bistrot chic, imaginé en lieu et place d’une ancienne laiterie (la Fruitière), reste « le » lieu à découvrir, permettant de goûter des plats savoureux, mi-régionaux, mi-mode. Soupe d’escargots servie en cocotte lutée avec ail et persil, bouillon de châtaignes en trois façons (champignons, foie gras, chou), quenelle et filet de brochette avec sa fricassée de champignons, son coulis d’écrevisses, daurade en papillote avec son risotto au parmesan, poitrine de cochon et diot du père Rullier en potée savoyarde sont d’une séduction totale.

On y ajoute des desserts dans le ton (tarte au citron revisitée, baba au genépi, tarte aux noix ou encore « ruche au miel » avec parfait glacé et gelée) et une carte des vins est d’une exceptionnelle richesse, très bordelaise d’allure (quoique tarifée sans tendresse). On peut taquiner la mondeuse de Trosset, le mercurey de Raquillet, le saint-émilion château Languitey ou encore le Franck Phélan des Gardinier à Saint-Estèphe avant de redescendre à ski vers la station.

Luc, qui n’est jamais à court d’idées et les renouvelle avec ses chefs conseils et exécutifs, Franck Mischler et Antony Tempesta, a aménagé, en sous-sol, une cave à vins et fromages très design, aussi protégée que les coffres de Fort Knox. Les grands médocs et les persillés, beaufort, tamié, reblochon, abondance sont ici chez eux. C’est l’un des lieux les plus secrets, les plus charmeurs de la nouvelle gourmandise des Alpes.