Lire le dernier Delerm, c’est se faire un joli plaisir de fin d’année. Ou, si l’on préfère, s’assurer un joli moment d’école buissonnière. On le suit volontiers dans ses commentaires, ses digressions, ses réflexions lascives, comme on demeurerait fidèle à la démarche d’un ami proche. Sa manière de déjouer les expressions toutes faites, de gloser à propos de tout et de rien, de décrypter nos habitudes et de lire à travers nos mots-valises séduit sans mal le lecteur vite pour complice.

Je vais passer pour un vieux con est, en quelque sorte, la suite de Ma grand-mère avait les mêmes (Seuil, 2008) : Philippe Derlerm déniche et décrypte le vrai sens de nos petites phrases. « Oh, lui, rien ne l’inquiète ! », « Il y a longtemps que vous attendez ? », « Quand on est dedans, elle est bonne », « C’est vraiment par gourmandise » ou encore « C’est peut-être mieux comme ça » : voilà quelques unes des têtes de chapitres de son nouvel opus qui nous apprend que derrière nos expressions toutes faites se livrent souvent l’envers de ce que nous croyons suggérer.

Suffisance, bêtise, snobisme (le « Alleeez  » prononcé par « un petit branleur » du haut des tribunes de Rolland-Garros), hypocrisie (« On va laisser descendre les gens ») : tout y passe. L’auteur un brin nonchalant et rêveur de « la Première Gorgée de Bière » et de « la Sieste assassinée » se  glisse dans la peau du moraliste, se livrant à quelques exercices de morale et de satire bienvenue sur l’époque. Il y a chez lui un brin de La Bruyère et un soupçon de Montesquieu, l’air de ne pas y toucher, la petite phrase en suspens, comme un sourcil qui se cabre, l’air de ne pas y toucher.

En tout cas, avec ce joli petit volume, bien carré, bien enlevé, Philippe Delerm ne risque pas de passer pour un vieux con. Pas lui ! Pas ça !

Je vais passer pour un vieux con, de Philippe Delerm (Seuil, 123 pages, 14,50 €).