Vivant Table

Atsumi Sota et Pierre Jancou © GP

Il se démultiplie, a ouvert une cave qui fait se souvenir de ses maisons d’avant, notamment la Crémerie, dans le 6e, qui continue sans lui, mais dans son esprit. Mais sa maison mère évolue elle aussi. Le cadre est toujours étriqué, les faïences Art Nouveau rappelant l’antique fonction du lieu – une oisellerie de 1903 -, les tables simples, les tons noirs, le doré aux toilettes, la cave changeant: c’est le décor. La nouveauté est aussi en cuisine avec l’arrivée du japonais Atsumi Sota, qui a pratiqué les cuisines de Troisgros, Robuchon, du Stella Maris et de Toyo, et qui joue une partition franco-française revue avec la fraîcheur et la rigueur nippone, sans sauce, ni fioriture inutile.

Ravioli de chrysanthème © GP

Boudin noir, poulpe, potimarron © GP

On regrettera peut être la tendance franco-italienne, instillée par l’ancien chef  Massimo Ruggiero. Mais tel quel, la qualité et la finesse se donnent la main, à travers la mise en exergue de produits de haute volée. Raviolis de chrysanthème et émulsion de crustacé, boudin noir et poulpe de Galice au potimarron, salade de ris de veau escalopé avec un rien de croustillant allègre: voilà autant d’entrées amusantes, exquises et fraîches, qui figuraient l’autre jour sur l’épatant menu du déjeuner. On n’oublie pas au passage la fine soupe d’orties qui se boit, en liminaire, comme un élixir de jouvence.

Salade de ris de veau © GP

Carré de cochon ibérique © GP

Côté plats de résistance, le lieu jaune avec tomates confites et artichauts, le poulet au vinaigre (avec sa peau croustillante) avec sa pomme purée et ses herbes aromatiques comme l’exceptionnel cochon ibérique, d’une tendreté et d’un goût profond, flanqué de brocolis et de jus de viande, sont pile poile. Le fromage du jour (un vieux Salers) est là en contrepoint, car les desserts sont un tantinet en retrait avec cette tarte aux cacahuètes légèrement caramélisée plus amusante que savoureuse et ce cheese-cake assez fadasse avec sa génoise un peu ramollo (une pâte sablée, ou brisée, ou sucrée serait nettement mieux).

Poulet au vinaigre © GP

On pense avec nostalgie à la tarte au chocolat d’autrefois. En revanche, côté vin, avec un méconnu chardonnay ligérien ou un côtes du Rhône « la Mémé » de chez Gramenon, on se régale sans mal. La critique ici s’impose d’autant plus que les prix ont augmenté par rapport aux débuts de la maison. Le menu du déjeuner à 39 € (avec fromage ou dessert) se permet quelques suppléments (12 € tout de même pour la salade de ris de veau et 10 € pour le cochon ibérique). Bref, on aime toujours Jancou et son Vivant. Mais on sent que la maison ne doit pas se reposer sur ses lauriers médiatiques et invisibles (le bon buzz qui l’accompagne forcément).

Tarte cacahuète © GP

Voilà, en tout, cas une maison où l’on reviendra. Car elle possède une âme.

Cheesecake © GP