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Quand Senderens (Paris 8e) devient Chiang (Singapour)

Article du 15 novembre 2012

Cyril Lignac, Jérôme Banctel, André Chiang (en fin de repas) © GP

Pas bon, chichiteux, ridicule, riquiqui, prétentieux, mais cependant sympathique: j’ai du mal à trouver les termes pour qualifier mon « grand repas de prestige » d’hier soir. Le propos: Jérome Banctel reçoit André Chiang, le taïwanais de Singapour formé chez les Pourcel, Troisgros, Gagnaire, Robuchon (je les cite, mais ils n’y sont pour rien, les pauvres), chez Senderens à l’occasion d’une rencontre organisée par la société SO2Events, parrainée par les champagnes Roederer, les maisons Drouhin et Vacheron, le château Pichon Longueville Comtesse de Lalande, le tokay Hetzölö, le porto Ramos Pinto et le cognac Martell. On sait la vénération que j’ai pour Alain Senderens, et on se souvient que lorsque je relate un repas d’exception, c’est pour en dire du bien, faire saliver. Là, les bras m’en tombent.

Bavarois de pomme Granny , huître, caviar © GP

Les vins et spiritueux étaient tous de grande qualité, avec une mention pour le Cristal Roederer 2002, le Pichon Longueville 2001 et, in fine, le cordon bleu de Martell, sans omettre la révélation du tokay. Mais quand le Figaro annonce l’événement dans son édition du samedi précédent et quand tout Paris se pâme, je me dis qu’il n’est pas inutile de prendre la plume pour dire un mot de la chose… Sans tout citer, il y a le bouillon de kombu et de cèpes avec le chocolat Amazone de Patrick Roger: pourquoi pas? Même si cela fait un drôle de prélude… Et qui augure de la suite avec les spaghetti de mer craquants et désespérément secs (avec une indéfinissabe crème de saint jacques et fenouil), le bavarois de granny plus huîtres et caviar acide, la pomme soufflée aux seiches et algues plus paprika écoeurante. Mélanger tout et n’importe quoi: est-ce cela la cuisine moderne?

Saumon et coleslaw © GP

Bien sûr, il y a eu, juste avant, les petits toast de « foie gras pur » à la betterave ou l’oeuf à la truffe, précis et justes de goût. Mais le poulpe fumé avec noisettes de brocolis… Je cite en vrac le saumon au moût de raisin et sa coleslaw aux épices thaï, genre dînette de cocktail, le croustillant de crevettes Qwehli, dont on mange la tête grillée – ça c’est bien vu! – mais avec un coulis d’algues et des moules quasi crues (fumées au foin de la Crau!), ensuite un turbot cuit à basse température un poil surcuit que l’émulsion au yuzu domine avec sa gentillette purée de pottimarron, enfin ce qui échappe au naufrage, un pigeon de Bresse à la plancha, bien rouge et juteux (même si mes voisines de tables ne l’apprécient guère ainsi saignant…) avec céleri, couscous de champignons, en fait émincé fin, avec de l’ail noir.

Blanc de turbot, potimarron, yuzu © GP

Pigeon de Bresse à la plancha © GP

Je n’oublie pas le pic du ridicule atteint dans le repas avec ce camembert « maison » signé Chiang, en fait un fromage blanc sucré au lait de soja… (mais qu’on oublie grâce au magnifique tokay Haislevelu d’Hetzölö). Et, in, fine la poire Comice imprimée aux feuilles de sakura (le cerisier du Japon) – on se demande pourquoi – et piquetée de pruneau… On termine sur les orangettes de Patrick Roger, le MOF chocolatier, venu là en artiste équilibriste et complice, qui se marie joliment avec les notes orangées du cognac XO Cordon Bleu de Martell.

Camembert « maison » © GP

Mais la compagnie est drôle, en verve. Bref, il y a là des gens d’esprit, plus que des « people » et on se moque gentiment ensemble de ce qui est servi. Bref, ce n’est pas la faute à Alain Senderens, quasiment absent de sa maison ce soir là. Et le repas lui-même fut vraiment très Chiang…

Poire comice © GP

www.senderens.fr et http://restaurantandre.com/ 41 Bukit Pasoh Road, Singapour. Tél. 089855

A propos de cet article

Publié le 15 novembre 2012 par

Quand Senderens (Paris 8e) devient Chiang (Singapour)” : 7 avis

  • philippe

    Ah! Bravo Mr Pudlowski pour oser dire tout haut ce que tant de monde pense tout bas. Je vis a Singapour et oui, André Chiang, sans doute le roi de la communication et du marketing, sert n’importe quoi dans le seul but de faire du « buzz ». Se prétendre « l’élève » de grands maitres -qui, vous le dites justement, n’y peuvent mais- pour ensuite ridiculiser la cuisine francaise a l’etranger au nom de la nouveauté a tout prix, est-ce cela un « grand chef »?
    J’ai diné chez André a Singapour. C’est, vous avez raison, du grand n’importe quoi. Mais les gogos sont nombreux, hélas!

  • Que les choses soient claires, je ne mets pas en cause la « cuisine de Jérôme Banctel », que je ne sépare pas de celle d’Alain Senderens, mais les plats servis ce soir là, inspirés par le « génial » André Chiang de Singapour.
    Concernant la cuisine d’Alain Senderens avec Jérôme Banctel, je vous renvoie à l’article de septembre dernier:
    https://www.gillespudlowski.com/57599/restaurants/un-dejeuner-de-rentree-avec-pommery-chez-senderens-paris-8e

  • Nordmann Angelique

    Ne vous méprenez pas Dominique, je n’ai pas été invitée, j’ai réglé ma place comme certains convives de cette soirée.
    Mr Pudlowski connaît parfaitement son métier, j’ai à plusieurs reprises été plus ou moins d’accord avec ses critidues, je n’ai pas la prétention de lui apprendre, mais parfois, il faudrait être moins virulent.
    Quant à me prêter une relation, cela n’engage que vous.

  • Dominique

    Mais qui est donc Angélique Nordmann pour être invitée à une manifestation aussi prestigieuse ?
    Par exemple moi, je n’ai pas été invité à ce dîner,
    autre exemple, le secrétariat de rédaction n’a pas été invité à corriger les fautes du texte d’Angélique.
    Pourquoi se fâcher et penser que cet article est une attaque contre le chef Jérôme Banctel dont elle est la gardienne attentive, quelle soutient et qu’elle aime :
    http://www.linternaute.com/restaurant/restaurant/7156/le-passage.shtml

    On a encore droit de donner son avis lorsqu’on est un critique gastronomique, c’est même exactement ce que demandent les lecteurs.

  • Nordmann Angelique

    Je fus présente à ce dîner 4 mains.
    Je pense que nous n’avons pas eu les mêmes mets, ou alors que votre objectivité fut laisser au vestiaire.
    On peut, ne pas apprécier certaines saveurs, textures ou visuels, mais là je sens une attaque direct à l’encontre du chef de cuisine Jérôme Banctel, donc nous ne sommes plus dans la critique gastronomique.
    J’ai pu lire certains de vos articles, ces derniers, me paraissaient plus cohérents, plus juste, moins féroces .
    Vous qui êtes un inconditionnel de Mr Senderens, ne pensez vous pas que son poulain est toute sa confiance !!!

  • Gilles,

    A priori, même votre appareil a vu rouge, non ?

  • J-Krak

    Tout cela a l’air sublimement succulent mais cette lumière rose n’est-elle pas un peu envahissante? On a l’impression que les photos d’assiettes ont été prises dans un sex-shop de Pigalle…

Et vous, qu'en avez-vous pensé ? Donnez-nous votre avis !