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Musée d'Art Moderne et Contemporain

« Un tour au MAMCS »

Article du 19 août 2010

MAMCS, la nef © GP

Le MAMCS, pour les initiés, c’est le musée d’art moderne et contemporain de la ville de Strasbourg. Un beau vaisseau d’aujourd’hui, en verre et béton, inauguré en 1998 et signé Adrien Fainsilber, face aux Ponts Couverts et au barrage Vauban. Le lieu est vaste, clair, avec son couloir central (la « nef »), donnant de l’espace aux oeuvres, du moins celles qui sont exposées.

Autoportrait de Luc Hueber

Le jeu des échanges, les collections qui tournent, les prêts (pour une exposition sur les paysages au Japon) a fait disparaître – provisoirement – le couloir dévolu au Groupe de Mai, avec ses trois Martin Hubrecht (dont le fameux épicier de la Robertsau et le portrait d’Emile Henry), deux toiles de Luc Hueber (dont la femme debout de dos devant une fenêtre ouverte), une nature morte de Lisa Krugell, la Jeune fille au peignoir orange de Simon Lévy, les Moissonneurs de Kamm, la Terre de Paul Welsch, les Joueurs d’échecs de Gachot. Je cite de tête et j’en oublie. Ils sont, pour moi, ce reflet prégnant de l’Alsace des années 20, dans la lumière de Cézanne, dans les lisières aussi, même en plus sage, de ce qui se dessine en Allemagne, entre Die Brücke et le Blaue Reiter.

Portrait d’Elsa Koeberlé de Lothaire Von Seebach

Beaucoup de leurs oeuvres dorment dans les riches réserves du musée. Je pense à une fameuse Collation avant les Noces de Luc Hueber, à plus de soixante-dix toiles de Lothar Von Seebach, plus ancien, héritier ou passager, lui, de l’impressionnisme (dont on ne montre que le portrait doré sur fond d’or de la poétesse Elsa Koeberlé), aux Kamm ou aux Stoskopf que l’on cache. A contrario, une série d’autoportraits, signés l’un de Robert Heitz (réaliste et poétique à la fois), l’autre de Jacques Gachot (le plus expressionniste sans doute), l’autre encore de Luc Hueber (qui se représente en artisan besogneux et musculeux face au public, devant ses toiles retournées), content leur manière de faire, reflétant quelques uns de leurs gestes sûrs.

Portrait de Martin Zilliox de Gustave Stoskopf

Je n’oublie pas non plus Stoskopf et son admirable portrait de Martin Zilliox en costume d’Oberseebach, avec ses traits figés, durs, austères, éternels.

Autoportrait de Jacques Gachot

Bien sûr, on va me dire qu’un musée d’art moderne (et contemporain avec ses collections du premier étage) n’a pas de vocation régionaliste – et qu’il y a là une grande salle Gustave Doré (mais qui me fait bailler), de beaux Kupka (le rouge à lèvres), des Arp, des Kandinsky, des Picasso, des Max Ernst, des Jacques-Emile Blanche, des Magritte, des Vuillard, des Bonnard, des Eugène Carrière et bien d’autres. Reste que défendre les expressions contemporaines, qui sont le reflet d’une culture, d’un moment, d’une époque, dans la mouvance de Cézanne ou de Derain, a son importance. Et que nier Kamm au nom de Arp me paraît une hérésie.

Les Moissonneurs de Louis-Philippe Kamm

Mais on peut formuler l’espoir que les choses bougent et bougeront, et que les chefs-d’oeuvre alsaciens qui dorment dans les réserves (de Kamm à Seebach, d’Hueber à Lévy, sans oublier le portrait de Hans-Jean Arp jeune par Henri Beecke) seront un jour montrés au public en pleine lumière.

Vue sur Strasbourg depuis le MAMCS © GP

Musée d'Art Moderne et Contemporain

1, pl. Hans-Jean Arp
67000 Strasbourg
Horaires : 12h-19h (jeudi : 12h-21h)
Fermeture hebdo. : Lundi
Site: www.musees-strasbourg.org

A propos de cet article

Publié le 19 août 2010 par

Musée d'Art Moderne et Contemporain” : 6 avis

  • Notari Guillaume

    Bonjour, je fais actuellement mon mémoire de Master 2 en histoire de l’art à Strasbourg et une des deux parties qui le compose est une grosse enquête sur l’absence de la peinture Alsacienne à travers nos musée. Alors que je faisais quelques recherche sur le groupe de Mai je suis tombé sur votre article, très intéressant. Il met en évidence ce que j’ai fini par me rendre compte. Le public étranger veut voir de la peinture local dans nos musée, ce qu’ils possèdent mais ne montre pas. J’ai pris soin de vous citer à travers mon enquête (en mentionnant bien entendu les sources et votre blog), car il est interessant d’avoir l’avis de personnes extérieurs.

    Cordialement

  • DICK Christian

    Bonjour
    Un bel article, sincère, pour la défense des peintres Alsaciens au talent remarquable. Heureusement, la non moins remarquable galerie Kiwior a entre temps fait son apparition dans le paysage des arts à Strasbourg pour engendrer ou porter ce vecteur de prise de conscience envers la classe de ces peintres.
    Christian DICK

  • Oui, mais elles sont disséminées dans le musée: celles que je cite (les autoportraits de Luc Hueber, de Robert Heitz, de Jacques Gachot) sont là. Mais n’hésitez pas à réclamer les autres (où sont passés les Moissonneurs de Kamm?), que je ne sois pas le seul à crier dans le désert. Je me permets de vous renvoyer pour ce faire à l’entrée « Musées » de mon « Dictionnaire amoureux de l’Alsace » (Plon).
    A Haguenau, au musée historique, vous avez quelques beaux exemples: un magnifique Kamm, un Hubrecht, un portrait de Gachot par Luc Hueber, un Hirth. Voir le texte paru sur ce musée dans ce blog il y a quelques semaines.
    Et merci de me lire sur ce sujet sensible.

  • ACB

    Bonjour,

    Est-il possible de voir en ce moment des oeuvres des peintres du Groupe de Mai?

    Merci pour votre réponse

  • C’est malheureux. Et sans doute un peu snob! Haguenau a rendu hommage à Paul Welsch, avec une grande exposition en la chapelle des Annonciades et sa brochure est toujours disponible: il est le plus méditerranéen, ou, si l’on veut, le plus provençal des membres du Groupe de Mai. La Terre (avec ses deux nues lumineuses) sont actuellement dans les réserves. Faisons un voeu pour qu’il en sorte!

  • CLAUDE Christian

    J’ai d’autant plus apprécié votre article que je travaille sur la peinture de mon grand-oncle Paul Welsch dont je viens d’achever la bibliographie. Il est effectivement malheureux que les peintres du Groupe de Mai soient aussi négligés par Strasbourg alors qu’ils ont été au centre de la vie artistique de cette ville et que leur peinture n’a rien de médiocre, je le constate chaque fois que je montre des œuvres de Welsch à des amateurs qui en ignore tout et qui sont étonnés de leurs qualités. Malheureusement, je m’aperçois que les musées ne s’intéressent trop souvent qu’aux valeurs reconnues et semblent peu se soucier de ce qui est vite qualifié (avec un air condescendant)de régionaliste ! J’ai l’impression malgré tout que le MAMCS de Strasbourg se souvient un peu mieux des peintres du Groupe de Mai même si cela reste encore très marginal.
    Merci pour votre article qui m’est allé droit au cœur.
    Christian CLAUDE

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