Besson flingue la télé

Article du 4 juin 2010

 

 

De février 1997 à mai 2009, Patrick Besson livre chaque semaine au sage Figaro Mag’ un  hilarant plateau télé, sous forme de chronique libre, mêlant choses vues et propos au vitriol. Le bonhomme est naturellement méchant, mais avec tendresse. Ou naturellement gentil, mais avec cruauté. Ces propos éclectiques ont rassemblés avec minutie et ça fait un gros pavé qu’on dévore sans se priver. On y croise, pêle-mêle, Massimo Gargia (« l’otarie de la jet set. Méchant comme un peigne, gras comme une vache. A couché avec Sagan, ferait mieux de la lire »), Malkovitch dans le rôle de Javert (« on reconnaît un téléfilm de José Dayan à ce qu’il y a au moins en personnage en manteau de cuir »), Ariel Wizman (« un sémaphore maigre dont la parole sautille maladroitement autour d’un vide »), Patrick, l’auteur de Villa Triste et de la Rue des Boutiques Obscures, « jouant Modiano »  en compagnie de Pivot qui tente de l’apostropher, mais en vain, ou encore Thierry le mégalo narcissique en pleine « conversardisson », sans omettre William Leymergie (« le drame du type qui s’est levé trop tôt trop longtemps »). Bref, on aura vite compris que Patrick, amateur de paradoxes, baroque dans l’âme et libre censeur, aime se faire des ennemis avec une jubilation fervente et rare. Il se moque du qu’en dira-t-on et prêche la liberté de tout dire avec un sens de la formule inégalée.

On regrette, bien sûr, que ce volume, qui, aurait dû être posthume, close un genre qu’il maîtrise à la perfection. Patrick sait tirer les leçons littéraires et morales d’un film pour la télé – « rien à voir avec un téléfilm »- tout en se gaussant de ces derniers : « on fait des téléfilms avec des cahiers des charges et une bible, c’est peut-être pour ça qu’ils sont nuls. Y a-t-il quelque chose de plus triste qu’un cahier des charges ? Et il n’y a qu’une seule bible ». Ajoutant, in fine, « je ne comprendrais jamais pourquoi tous les films ou presque durent une heure trente. C’est aussi bête que si tous les romans faisaient 200 pages ». Le sien en fait mille. On ne s’y ennuie jamais. Une gageure magnifiquement tenue.

Le Plateau Télé, de Patrick Besson (Fayard, 1010 pages, 25 €).

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Publié le 4 juin 2010 par

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