L'Epicure à l’hôtel Bristol
« Un déjeuner de rentrée au Bristol (Paris 8e) »
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Un bonheur de rentrée à Paris: un déjeuner au Bristol. Le jardin est unique, donne le sentiment d’être parti en week-end chez de riches amis. La verdure, la haute façade blanche, contenant piscine et suites, les tables relaxes – ce sont celles du bar – à fond de jardin donnent l’idée d’une dînette entre Chevreuse, Versailles et St Germain en Laye. Mais nous sommes là au coeur de Paris, à deux pas de l’Elysée et de la place Beauveau, entre les boutiques d’antiquaires et le shopping de luxe.
Le Bristol est comme une parenthèse: douceur, sobriété et surtout pas d’esbroufe. C’est un peu l’image d’Eric Fréchon. Ce natif de Corbie en Somme, qui se fait passer pour Normand du Tréport depuis trois décennies au moins est devenu le plus efficace des chefs de palace, oeuvrant chaque jour, parvenant à être chez lui, tout en veillant le tout proche 114 Faubourg et le très voisin Mini-Palais. Eric Fréchon, donc, est bien le deus ex machina d’une organisation parfaitement huilée.
Il y a le service jeune, la cave somptueuse, les fromages de Marie-Anne Cantin et de Bernard Antony, les desserts du maestro Laurent Jeannin (son mille-feuille au caramel est le n°1 de Paris, sans concurrence). Mais il y a surtout cette cuisine savante, technicienne, juste, imparable, avec des produits de haute volée. On aurait pu opter pour les « classiques » maison. Comme le caviar de Sologne avec sa mousseline de pommes de terre au haddock, son croustillant de sarrasin aigrelette, le maquereau en gelée de vin blanc relevé de raifort, le merlan de St Gilles Croix de Vie en croûte de pain de mie: exercices somptueux et connus sur des thèmes rustico-raffinés.
Mais on a fait confiance au chef, joué la nouveauté, la création du moment au fil de l’air du temps: les jolies cuisses de grenouilles poêlées aux épices tandoori avec ses rouelles d’oignons en tempura à l’ail des ours, la géante morille des pins avec son velouté au vin jaune, les variétés de tomates anciennes, servies givrées, en tartare, en carpaccio, avec sa burrata crémeuse façon boule de (neige et de) mozzarella à l’huile d’olive et encore le turbot sauvage cuit à la vapeur de citronnelle avec sa fine purée de carottes au gingembre et son chou pak choï. Légers, frais, quoique proches du gadget, indiquant surtout ce classique qu’est Eric Fréchon, ce MOF 1993 aguerri et sage sait tout faire, flirtant avec la mode et le moléculaire, mais sans tomber dans ses travers. Car tout chez lui a du goût.
Ce que confirme les cerises Burlat en déclinaison – flambées au kirsch, en sorbet, soufflée à l’écume de pistache – signées de son complice ès sucré Laurent Jeannin. Là dessus le fixin les Champs Pennebaut 2008 de Denis Mortet, au nez si joliment « kirsché », à la bouche très griotte et à la couleur si sombre pour une côte de Nuits nordiste, fait un accompagnement joli, soyeux et frais. Parachevant de somptueuse façon une belle agape de fin d’été dans un Paris qui cherche sans doute ses nouveaux repères gourmands…
Au fait, qu’en fait-on ?
Je suis une fan de la cuisine d’Eric Frechon, mais les « jolies cuisses de grenouilles » …. sait-il ce que l’on fait de la grenouille, lorsqu’on lui a coupé les cuisses ?